Les femmes de Sarayaku

Lors de leur passage à Liège, les femmes de Sarayaku (Equateur) nous racontent leur lutte et celle du peuple kichwa contre la pétrolisation de leur territoire.

17 février 2016

Dans le numéro du magazine C4 de l’été passé, nous parlions de cow-boys et d’Indiennes. Nous parlions de l’imagerie que cette époque nous avait laissée. Des « empreintes » culturelles que nous retrouvons encore aujourd’hui dans notre quotidien. Dans nos lieux. Nous avons raconté des histoires sur ces imaginaires. Nous avons écrit des histoires sur les Indiennes.

Puis cet automne, hivernal et printanier à la fois, des Indiennes ont été de passage à Liège. Des Indiennes de Sarayaku, en Amazonie équatorienne. Une amie, qui leur fait office de traductrice pendant leur séjour, me parle d’elles. De la lutte qu’elles – et l’ensemble du peuple de Sarayaku – mènent depuis une trentaine d’années contre les exploitations pétrolières sur leur territoire. Elles se battent contre des multinationales du pétrole. Les conquistadors contemporains.

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Leur première sortie publique en Cité ardente, c’est à l’ULg, lors de la conférence intitulée « LAISSEZ LE PETROLE SOUS TERRE ! » Je m’y rends afin de prendre le premier contact avec elles.
J’arrive en retard. La salle est bondée. Je trouve une place à la première rangée. Elles sont juste en face de moi. Elles sont assises l’une à coté de l’autre. Toutes habillées de la même façon. Une cape bleu foncé. Leur visage est peint avec le jus noir d’un fruit de leur forêt. Elles se « maquillent » pour les événements importants (les hommes aussi), pour les moments d’échange, me diront-elles plus tard. Elles ont le regard vif, les oreilles attentives et la parole posée. Elles sont dignes.

La conférence se termine. Mon amie me présente Narcisa, la plus âgée du groupe. Septante-deux ans, n’ayant jamais quitté son pays. Mon amie me présente en tant que periodista (journaliste). Je n’ai pas le temps de la corriger; que Narcisa tient à me préciser qu’elles n’apprécient guère les periodistas. Je lui réponds qu’elles ont bien raison.

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© Frédéric Hérion / Collectif Krasnyi

Après les avoir encore rencontrées lors de la projection du documentaire « Le chant de la fleur » suivi d’un débat à la Casa Nicaragua, j’arrive enfin à avoir un rendez-vous avec elles avant qu’elles ne partent.

On se voit le dernier jour de leur séjour en Belgique. Elles ont passé quinze jours intenses. Elles sont fatiguées. Mais elles ne se laissent pas abattre. Elles disent qu’elles sont là pour ça. Pour faire connaître leur lutte.

Après le dîner d’au revoir, avec mon amie, nous nous trouvons autour de la table avec Narcisa, Letitia, Ester et Sabine.

Sarayaku, c’est un petit village de 1200 habitants au milieu de la forêt amazonienne équatorienne. Il n’est accessible que par hélicoptère ou en pirogue. Il est peuplé d’Amérindien-ne-s de nationalité kichwa. L’histoire entre l’État équatorien et les compagnies pétrolières ne date pas d’hier. Toute la partie nord de l’Amazonie est exploitée depuis 60 ans. Elle est dans un sale état. Depuis 25 ans, Agip est dans le Sud. Le reste de l’Amazonie est en vente. L’Équateur offre ces territoires aux compagnies pétrolière pour une durée de 10 à 20 ans. Sarayaku fait partie d’une des zones de l’Équateur que l’État a données en concession aux multinationales du pétrole. Si le danger pour cette forêt est représenté dans mon imaginaire par l’abattage des arbres, ici un danger plus important et irréversible est dû à la pollution engendrée par l’extraction pétrolière. Des populations y ont été décimées par les maladies et par l’inhabitabilité de ces lieux dues à la pollution et à la défiguration du territoire pour faciliter le travail d’extraction.

La population de Sarayaku, dès les premiers signes d’« invasion » pétrolière, était opposée à ces projets d’extraction. Depuis désormais 25 ans, leur lutte est constante. Elle se diversifie. Elle évolue au fil des années. Mais elle ne s’arrête pas.

Narcisa fait partie des dirigeants de Sarayaku. Elle fait partie du conseil des sages vu son grand âge et son expérience. C’est celle qui prend le plus souvent la parole. C’est elle qui lors d’une rencontre nous dit :

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© Frédéric Hérion / Collectif Krasnyi

« Nous sommes venues ici et avons vu que vous avez besoin du pétrole pour vivre. Nous, le pétrole nous détruit. Nous fait mourir. Il faut donc qu’on trouve une solution ensemble pour vivre librement et sainement aussi bien chez vous que chez nous». Lors de notre rencontre, c’est la première à prendre la parole : « Je m’appelle Narcisa et je viens de Sarayaku. J’ai vécu et je continue à vivre tout ce processus de prospection des compagnies pétrolières sur notre territoire. Depuis que j’existe, je suis dans la lutte et je me suis toujours opposée à l’exploitation pétrolière en général et sur mon territoire. Malheureusement, depuis des années, on vit une lutte permanente entre cet argent que nous offrent les compagnies pétrolières et les richesses que nous voulons conserver. Nous sommes conscientes que ce sont deux modes de vie différents. Les exploiteurs ont besoin de vivre dans la ville, ils ont besoin d’argent, ils ont un mode de vie qui les rend dépendants de cette exploitation pétrolière. Notre vision est différente. Nous n’avons pas besoin de l’argent pour vivre. » Elle poursuit : « J’ai une vie heureuse. Mais malheureusement, ça fait plus de 25 ans que cette lutte continue. Malgré tout ce processus de lutte, la compagnie est entrée sur notre territoire et elle a provoqué une catastrophe pour toute la communauté. Une grande mobilisation a eu lieu. Hommes, femmes et anciens, tout le peuple de Sarayaku était présent. » Elle se remémore : « Il y a eu trois mois de lutte pacifique sans qu’il y ait aucun blessé et aucun mort. On a réussi à faire sortir les compagnies pétrolières de notre territoire. On a été convoqués, on a été menacés, on a été insultés, on a été torturés. De notre côté, nous avons réussi à ne pas commettre d’actes de violence envers les personnes qui nous attaquaient. »

C’est en 2002 que la compagnie Compagnie Générale Géodésique (CGG) française entre sur le territoire de Sarayaku. Ils placent des explosifs pour entamer des études sismologiques. C’est la phase d’exploration qui précède la phase d’extraction. C’est à ce moment que la résistance s’organise. Des camps de base sont mis en place dans les zones de pénétration pour empêcher l’entrée de la compagnie et de ses ouvriers sur le territoire. Sur les 1200 habitants du village, 800 se sont mobilisés. Les écoles sont fermées. Les étudiants se sont unis à la lutte. De l’autre côté se trouvent les ouvriers, le service de sécurité de la compagnie et les militaires. Certains dirigeants du village sont en ville et s’occupent de la communication via internet. Tout ce qui se passe à Sarayaku est relayé en temps réel au niveau national et international. Au niveau international, les alliéEs de Sarayaku leur achètent des téléphones satellitaires, payent les minutes qui leur permettent de communiquer à partir de tous les camps de base.

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© Frédéric Hérion / Collectif Krasnyi

Narcisa :

« Sur le terrain, on devait faire très attention, car ils avaient des armes et on pouvait être tuéEs. De notre coté, on savait qu’on avait pas droit à l’erreur, car s’il y avait eu un mort ou un blessé de leur côté, on savait bien que Sarayaku, c’était fini. Cela leur aurait servi à décrédibiliser le mouvement. »

Concrètement, les habitants des camps de base ne faisaient rien d’autre que de « kidnapper » les personnes en face. Ensuite ils/elles les ramenaient au village et organisaient le départ des « otages » vers la ville. Narcisa :

« Quand on les ramenait au village, il fallait faire très attention, car le peuple était révolté et les insultait. Nous, les anciens, on a toujours dit aux jeunes d’opter pour une lutte non violente. Les dirigeants qui étaient restés au village devaient calmer le peuple. »

Si la non-violence fait partie de leur stratégie de résistance, ce n’est pas le cas de la partie adverse. Quatre personnes de Sarayaku ont été emprisonnées et emmenées dans les camps de base des pétroliers. Elles ont été torturées. Narcisa se remémore sur un ton virulent :

« Ils voulaient des informations. Ils voulaient savoir qui était à la tête du combat. Mais il n’y avait personne. Car c’est tout un peuple qui s’est révolté. C’est nous les propriétaires de notre terre. Et c’est nous, ensemble, qui combattons pour défendre notre territoire. Ils sont rentrés chez nous sans nous consulter. »

Pendant ces actions de résistance, des groupes de femmes se sont chargés de désarmer les gardes de sécurité des compagnies pétrolières. Narcisa avec un sourire à peine dissimulé :

« On est arrivées en groupe. On leur a sauté dessus et on leur a pris leurs armes. Ils étaient beaucoup moins fiers. »

À l’entendre, c’était facile, car l’effet de surprise a joué à leur faveur. Elle poursuit :

« Ces hommes ne se sont pas méfiés en nous voyant arriver, car nous étions des femmes. » Les armes ont été ramenées au village et les gardes à la ville.

Ester intervient. C’est la plus jeune, elle représente la délégation de jeunes de Sarayaku. Sa détermination est la même que celle de Narcisa. Ester :

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© Frédéric Hérion / Collectif Krasnyi

« J’avais huit ans quand cela s’est passé. Je me rappelle quand les militaires sont venus au village et que les femmes leur ont rendu leurs armes. La condition était de leur rendre leurs armes en échange des hommes qui avaient été enlevés et torturés. Et qu’ils devaient désormais nous consulter s’ils voulaient entrer à nouveau sur notre territoire. » Narcisa reprend : « À ce moment-là, les femmes ont dit aux militaires de faire très attention, car si cette fois-ci elles avaient juste confisqué leurs armes, la prochaine fois, elles pourraient les utiliser contre eux… »

Narcisa rappelle le rôle déterminant des femmes dans tout le processus de lutte :

«Au moment du conflit, toutes les femmes se sont fort investies pour que la vie du village ne soit pas perturbée. Certaines d’entre elles sont parties dans les camps de base, d’autres organisaient la cuisine et les garderies pour les enfants, pour les gens qui étaient là-bas. Elles ont été très impliquées dans cette organisation. Elles ont aussi été fortes pour combattre la stratégie de l’État et de la compagnie pétrolière qui semaient la zizanie en proposant aux gens à boire, à manger ou de l’argent. Les femmes ont toujours essayé de ramener leur époux, leurs enfants, leur père sur le droit chemin, car les hommes sont beaucoup plus facilement victimes de cette influence extérieure. C’est un phénomène désagréable et agressif qui vise la gent masculine, on n’attaque pas directement les femmes. »

 

De l’action directe à la résistance juridique

Après que la compagnie est rentrée sur le territoire de Sarayaku et n’ayant obtenu aucun résultat de la part de la justice équatorienne, la population décide de faire appel à la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH). En 2009, un procès est entamé contre l’État équatorien.

Sabine, originaire de Verviers, est partie en Équateur il y a une trentaine d’années comme coopérante. Elle y rencontre celui qui deviendra son époux et rentre dans la communauté de Sarayaku. Depuis lors, elle travaille avec le Conseil de gouvernement de Sarayaku. Elle est conseillère au développement. C’est elle qui nous explique la démarche auprès du CIDH :

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© Frédéric Hérion / Collectif Krasnyi

« La communauté de Sarayaku a attaqué en justice l’État équatorien pour avoir violé une multitude de ses droits : la violation des droits à la propriété commune, à la consultation, à l’identité culturelle, à la protection judiciaire et la mise en grave danger de la vie et de l’intégrité des membres du peuple de Sarayaku. »

Le président du CIDH lui-même s’est déplacé jusqu’à Sarayaku pour y entendre les derniers témoignages. En juillet 2012, ils ont eu gain de cause. Elle reprend :

« La CIDH a donné trois ans à l’État pour qu’il répare tous les dommages causés au peuple de Sarayaku et sur son territoire. Le chantier le plus important est le retrait des 1400 kg d’explosif disséminés sur notre territoire et laissés par la compagnie pétrolière française qui avait confié l’exploration sismique à une compagnie argentine. On est en octobre 2015 et ils n’en ont retiré qu’un kilo et demi. Il leur a fallu six mois et ils ont dépensé 600 000 dollars. Ils ont fortement perturbé la vie de la communauté pendant cette période ». Et de conclure : « On s’est rendu compte que retirer ces explosifs faisait autant de mal que d’exploiter le pétrole ».

Le village passe donc un accord avec l’État. Ce dernier doit mener une étude socio-environnementale sur les dégâts que pourrait engendrer le retrait des explosifs. Sabine :

« Ça fait trois ans qu’on attend : ils n’acceptent pas nos budgets, ils n’acceptent pas nos experts. Il y a une mauvaise foi énorme de la part du gouvernement. »

Outre le retrait des explosifs, la CIDH a demandé à l’État de verser à la population de Sarayaku une indemnisation économique pour les dégâts matériels et immatériels. Sabine commente :

« L’État pensait qu’en nous donnant de l’argent, on allait s’entre-déchirer, mais il s’est trompé. Notre objectif n’était pas d’avoir de l’argent mais de protéger le territoire. Quand Sarayaku a reçu les indemnités, la population s’est réunie en assemblée générale où il a été décidé que cet argent serait investi dans différents projets : le transport fluvial et aérien, des bourses d’étude, des projets de petite production familiale, etc. Cet argent a donc été bien reparti et n’a pas créé de conflits ni de problèmes dans la population. »

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© Frédéric Hérion / Collectif Krasnyi

La population de Sarayaku a également reçu les excuses de l’État comme établi par la sentence de la CIDH. Mais dans le texte, une partie importante a été omise, comme le souligne Sabine :

« … qu’ils ne referaient plus ce qui s’est passé, qu’ils recommenceraient plus. »

Et effectivement, en mai 2015, des gens de la compagnie ont profité des fêtes de Sarayaku pour passer discrètement par un autre coté et s’installer dans un autre petit coin du territoire afin de réaliser une étude environnementale, qui précède l’étude d’exploration sismique. Le droit à la consultation de la population établi par la Cour est quant à lui constamment bafoué :

«  La Cour a aussi stipulé que l’État, avant de démarrer un projet qui pourrait nuire à la vie, à la culture ou à l’environnement sur notre territoire, devra consulter le peuple de Sarayaku. Jusqu’à présent, ça ne s’est jamais réalisé. La preuve, c’est qu’au mois de mai, ils sont entrés sur notre territoire sans rien demander à personne. »

Des campagnes d’information sont alors mises en place, mais elles « n’ont rien à voir avec une vraie consultation ». Pour Sabine, « c’est une violation constante des droits de Sarayaku et des peuples autochtones » qui est faite par le gouvernement.
Ester, d’un ton déterminé :

« Il est important de dénoncer cette image positive de gouvernement révolutionnaire qui défend la nature, alors qu’il refuse de voir la réalité en face. » Elle poursuit : « Nous avons eu la chance de venir ici en Europe et de voir votre réalité, qui est complètement différente de notre mode de vie. Mais nous sommes persuadées que nous avons eu beaucoup plus d’écho ici qu’en Équateur, où le gouvernement se ferme complètement à nos propositions. »

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© Frédéric Hérion / Collectif Krasnyi

D’autre formes de résistance : re-faire le territoire

Sabine nous raconte d’autres formes de résistance mises en œuvre par la population. Le projet Frontière de vie

« Après avoir surmonté toutes ces épreuves – des gens qui ont été torturés, des gens qui sont morts durant cette lutte -, il fallait trouver quelque chose qui puisse avoir un impact au niveau international. Quelque chose de symbolique. Re-faire le territoire de manière plus visible. »

Le point de départ, c’est un chant chamanique, le chant de la fleur, qui est chanté par le chaman pour renforcer les personnes, leur donner plus de vie, et dont le symbole est la fleur. Le projet prévoit la plantation

« d’énormes arbres à fleurs qui vont jusqu’au ciel le long des frontières de Sarayaku. Pour dire que, à l’intérieur de ce territoire, il y a un peuple qui lutte pour sa survie et pour la vie de la forêt. »

Ils/elles ont choisi des plantes résistantes, qui donnent des fleurs très colorées afin d’améliorer la visibilité. En 2006, les premiers arbres ont été plantés grâce à l’aide financière de groupes constitués en Belgique, en France et en Allemagne. D’autres peuples autochtones sont également intéressés par cette forme de résistance symbolique.

La Forêt vivante, le Kawsak Sacha

La Forêt vivante, concept appelé en kichwa le Kawsak Sacha, correspond à la vision des peuples amazoniens pour qui, comme Sabine nous l’explique,

« la terre, le cosmos, les êtres humains, les animaux, la flore, les pierres, les montagnes, les lacs formant un tout. Dans ce tout, il y aussi les êtres vivants de la forêt qui sont invisibles. »

Ce tout n’est rien d’autre qu’un équilibre. Et c’est cet équilibre qu’il faut sauvegarder pour la population de Sarayaku. Sabine reprend :

« À partir du concept de Forêt vivante, on aimerait bien faire passer le message à travers le monde sur l’importance de sauvegarder notre mode de vie. Pour le moment, en Europe, on regarde la nature de loin et on pense qu’on ne fait pas partie d’elle. On veut la sauvegarder, c’est bien, mais on veut la sauvegarder comme quelque chose dont on est propriétaire. On sépare les oiseaux, les animaux des êtres humains, on fait des parcs naturels mais on empêche les gens de vivre dans ces parcs. Il y a un déséquilibre total qu’il faut absolument redresser. Sarayaku est à la base de la déclaration du Kawsak Sacha. »

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© Frédéric Hérion / Collectif Krasnyi

C’est à la COP 21 qu’une délégation de Sarayaku est allée présenter le projet d’une nouvelle forme d’aire protégée. Les populations vivant dans ces zones en aurait la gouvernance et d’office seraient de zones exemptes d’exploitation pétrolière. Ainsi, le Kawsak Sacha serait pris en compte et sauvegardé. Sabine :

« Ce n’est pas seulement pour le bien de notre peuple mais aussi pour le bien de la planète. C’est aussi repenser un mode de développement qui doit être beaucoup plus durable. D’arrêter de penser que dans le Nord, on sait tout en termes de protection de la planète et cesser d’imposer un modèle de développement. Il faudrait écouter les autres peuples et travailler ensemble sur un autre modèle de développement qui apporte bonheur et bien-être à chacun et pas seulement à une partie de la population de la planète. »

Si certains ne l’ont pas encore compris, elles, les femmes de Sarayaku savent pourquoi elles sont contre ce projet pétrolier. Narcisa :

« Nous savons que l’exploitation pétrolière amène des maladies, pollue les rivières et cause des dégâts irréversibles à nos Forêts vivantes, le Kawsak Sacha. Nous, les anciens, nous savons que la vie est dans la nature et que nous la laisserons aux nouvelles générations. On sait que le pétrole ne nous apportera que désert et pauvreté. C’est pour cela que nous, les anciens et le peuple de Sarayaku, nous nous opposons totalement à l’exploitation pétrolière. Nous sommes ici, mademoiselle, pour dire que nous voulons préserver la nature et toute la forêt vivante, en Amazonie et ailleurs. »

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© Frédéric Hérion

Letitia, la plus réservée du groupe, prend enfin la parole. Elles se définit comme une personne typique de Sarayaku. C’est une des meilleures travailleuses de poterie du village, disent les autres.

« Toute ma famille vit là-bas, dans la forêt. Mes enfants plus âgés vont aussi chasser dans la forêt. Personnellement, je suis contre l’exploitation pétrolière quand je vois les dégâts causés ailleurs. Nous ne pourrions pas vivre avec toute la pollution qui en découle. Pour moi, la forêt, c’est ma pharmacie, c’est là que se trouvent les arbres pour construire nos maisons, notre nourriture et les poissons dans la rivière. » « Ce n’est pas possible de détruire cette forêt, car elle est notre vie et on en a besoin pour la continuité de notre peuple. » « On a une position qui pourrait vous paraître extrême. Mais on est décidé à défendre notre territoire jusqu’au bout. Notre territoire, c’est notre vie et si on n’a pas de vie, après on ne vit plus. »

Esther pour conclure :

«  Je suis jeune, mais je connais très bien le contexte. J’ai vécu tout le processus de la lutte juridique et la lutte sur le terrain. Je suis convaincue de ce que m’ont appris les anciens. Je sais que c’est le droit chemin. Et je vais continuer à leurs côtés à défendre le territoire, qui est le futur de notre peuple. » Elle fait une pause, puis reprend : « Nous, en tant que jeunes de Sarayaku, nous ne nous laisserons pas vaincre et continuerons à lutter aux côtés des anciens. » Si la recherche de pétrole en Amazonie n’est pas prés de s’arrêter, une chose est sûre, on lui fera la vie dure ! La relève est bel et bien assurée du côté des autochtones.

Nous remercions le collectif Krasnyi pour l'utilisation de leurs photos (dont aussi la photo de la Une)
http://www.krasnyicollective.com

 

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