Comme nous l’a rappelé Mademoiselle Catherine à travers sa récente exploration de la vasectomie, la contraception est l’affaire de toutes et de tous. Et comme pour nous, l’émancipation passe aussi par l’accès à l’information, elle nous parle aujourd’hui de ce corps étranger qu’est le DIU. Plus connu sous le nom de stérilet, le dispositif intra-utérin s’entoure encore de bien des préjugés. Notre rédactrice nullipare est donc partie à la chasse aux idées reçues et les explose pour nous.
En 2011, mes petites jambes m’emmenèrent chez une gynécologue en vue de la pose d’un dispositif intra-utérin (DIU, dit stérilet, bien qu’il ne stérilise rien du tout). J’avais fait mes adieux définitifs et durables à la contraception hormonale plus de trois ans auparavant : après quinze années de prise quasi-ininterrompue de pilule contraceptive, je m’étais jurée qu’on ne m’y reprendrait plus – une demie vie de violentes sautes d’humeur, d’insomnies, de crampes nocturnes, de libido en berne, et j’en passe.
Étant donné que l’abstinence a ses limites, de même que le préservatif, et qu’il faut se lever tôt pour trouver quelqu’un acceptant de ligaturer les trompes d’une jeune trentenaire sans enfants, je me suis mise à la recherche d’un autre moyen de contraception non hormonal. Devant le peu d’options s’offrant à moi, le choix du DIU au cuivre s’est imposé, et ce malgré la chiée de scénarios-catastrophe que j’avais pu lire et entendre de-ci, de-là. Dans le but de contrer les terrifiants témoignages que l’on peut glaner sur certains forums internet, je vous invite à plonger avec moi en territoire intra-utérin…
Mauvaise réputation
Il existe deux types de DIU : le DIU au cuivre et le DIU hormonal. Le premier comprend un fil de cuivre dont l’effet est naturellement spermicide et provoque par ailleurs une modification de la muqueuse de l’utérus (l’endomètre), rendant impossible la nidation. Plus la surface de cuivre est importante, plus l’action contraceptive est fiable et durable dans le temps : 380mm2 de cuivre confèrent ainsi au DIU une efficacité de 7 à 10 ans, même si les fabricants – pour qui il n’y a pas de petits profits – recommandent d’en changer en moyenne tous les 5 ans. La fertilité diminuant avec l’âge, un DIU au cuivre posé à 40 ans ou plus peut rester en place jusqu’à la ménopause, et ça, c’est quand même vraiment chic ! Le second contient un progestatif, hormone contraceptive également présente dans la pilule, les implants et les autres méthodes de contraception hormonale. Ce DIU est efficace pendant au moins 5 ans. La pose est effectuée par un(e) médecin ou gynécologue après un rendez-vous préalable. Le retrait de l’ancien DIU et la pose du nouveau se font lors d’un même rendez-vous.
Bien qu’il soit le deuxième moyen de contraception en Belgique, il est encore souvent négligé au profit de la pilule, alors qu’il s’agit, avec l’implant, de la méthode contraceptive réversible la plus efficace (99,8 %) [ref] Globalement, 14,3 % des femmes en âge de procréer utilisent le DIU, avec des chiffres variant de 2 % pour l’Océanie à 27 % pour l’Asie. [/ref]. Les recommandations de différents ordres de médecins de par le monde stipulent aujourd’hui que le DIU est sans danger pour les femmes nullipares [ref] « Nullipare » est le terme médical désignant une femme n’ayant pas accouché. [/ref] et les adolescentes, et qu’il peut être inséré immédiatement après un accouchement, une interruption volontaire de grossesse ou une fausse couche. La réticence de certaines patientes et de certains prestataires à suivre ces recommandations résulte d’une mauvaise réputation qui lui colle encore à la peau, alors décomposons ensemble quelques unes des idées reçues les plus tenaces :
- Le DIU est réservé aux femmes ayant accouché
Pendant longtemps, les médecins présumaient que la douleur liée à la pose d’un DIU ne serait supportable que pour les femmes qui avaient déjà accouché. Je suis la preuve vivante que c’est tout à fait faux, et il existe aujourd’hui des modèles de DIU parfaitement adaptés à la morphologie des nullipares. - Il rend stérile
De par son petit nom de stérilet, il s’est murmuré pendant longtemps que le DIU rendrait stérile. Or, pour la majorité des utilisatrices, la fertilité est rétablie immédiatement après le retrait du dispositif, indépendamment de la durée d’utilisation, et la plupart des femmes qui abandonnent le DIU tombent enceintes aussi rapidement que celles qui n’ont jamais utilisé de contraception. - Il y a un risque d’expulsion
L’expulsion totale d’un DIU classique est relativement rare et souvent le résultat d’une insertion peu habile. Elle intervient chez environ 5% des femmes au cours de la première année d’utilisation, avec un risque légèrement accru pour les nullipares. La majorité des expulsions survient au cours des premiers mois suivant l’insertion. - La pose s’accompagne d’infections
Le taux de maladie inflammatoire pelvienne est faible et se développe au cours des 20 jours suivant l’insertion. Tout comme le risque d’expulsion, le risque infectieux est souvent lié au processus d’insertion et non au DIU en soi. - Les règles sont plus abondantes et douloureuses
Le DIU au cuivre risque en effet d’augmenter les saignements et les crampes dans les premiers mois suivant l’insertion. La situation rentre généralement dans l’ordre une fois que le corps s’est habitué à son nouveau corps étranger. Le DIU hormonal, quant à lui, tend à provoquer une absence de règles, et donc des douleurs associées. - Les fils gênent pendant les rapports sexuels
Les petites floches du DIU sont souples et flexibles : elles s’accrochent aux parois du vagin et sont rarement ressenties lors des rapports sexuels. En cas de gêne pour le partenaire, elles peuvent être raccourcies par le ou la médecin. Ceci étant dit, si elles restent assez longues pour y avoir accès avec les doigts, il est tout à fait possible de retirer soi-même son DIU.
J’y pense et puis j’oublie…
« Je n’avais pas d’idée reçue, si ce n’est qu’il fallait avoir accouché par voie basse pour avoir accès au DIU, ce qui est faux, et à plus forte raison aujourd’hui puisqu’on peut poser les stérilets chez les nullipares avec souvent l’utilisation d’un comprimé pour ouvrir le col et faciliter le placement. Au début des années 2000, je m’informais peu sur le net, et l’idée d’être tranquille 4 ou 5 ans aurait surpassé n’importe quel a priori », m’annonce Magali. Quant à Isabelle, elle s’est laissée convaincre… par moi : « La pilule ne me convenait plus : mon humeur devenait bizarre et j’avais de grosses douleurs pendant mes règles. Du coup, en entendant ton enthousiasme et tes explications, puis en allant jeter un œil sur le site de Martin Winckler, j’ai décidé de franchir le pas. » Elle avoue avoir eu « un mal de chien à chaque pose (un peu moins la seconde fois parce que j’avais pris des anti-inflammatoires), mais à part ça, aucun effet négatif ».
Il est vrai que je n’y étais pas allée avec le dos de la cuiller dans ma propagande pro-DIU, tant ce moyen de contraception m’a soulagée d’un poids, et j’aurais aimé y avoir accès bien plus tôt. En réalité, j’y avais pensé 10 ans avant de me jeter à l’eau, mais une gynécologue visiblement omnisciente m’avait refusé la contraception de mon choix sous prétexte que, selon elle, je tolérais très bien la pilule. L’avenir me prouvera que mon instinct était pourtant dans le bon, mais j’avais eu la naïveté de la croire, et je m’en suis voulue pendant longtemps. À 24 ans, je ne me sentais pas armée pour remettre en doute la parole d’une médecin, et l’accès à l’information était limité. N’hésitez donc jamais à demander un deuxième avis si vous ne vous sentez pas prise au sérieux, car c’est à vous de choisir la contraception qui vous convient. Parfois, comme beaucoup de choses, il faut passer par des essais et des erreurs, mais c’est ainsi que l’on avance. Comme le souligne Magali, « l’important, c’est de trouver le moyen de contraception qui nous correspond le plus (aucun n’est idyllique à 100%) et un(e) gynéco à l’écoute, qui informe et qui évite de se confondre avec Dieu, ce qui, dans mon cas, fût une tâche aussi ardue que le choix contraceptif ».
En ce qui me concerne, les idées reçues (et cette gynécologue) étaient passées par là, et bien que de nature peu douillette, je n’étais absolument pas convaincue qu’un simple ibuprofène serait suffisant pour adoucir ce que j’imaginais déjà comme un calvaire : c’était la première fois que mon utérus se faisait attraper par le col, et je me préparais à souffrir le martyre. S’il est vrai que l’insertion de l’hystéromètre (l’instrument servant à mesurer la profondeur de l’utérus) et du DIU fut un mauvais moment à passer, je ne peux pas dire que cela fut particulièrement douloureux : surprenant et très désagréable, mais pas franchement douloureux. Immédiatement après la pose, j’eus certes une chute de tension et une bouffée de chaleur qui se dissipèrent en quelques minutes, je ne peux cependant pas prétendre avoir ressenti de la douleur, et le soir-même, je faisais la fête avec les copines.
Après des années de galère, j’avais enfin trouvé la contraception qui me convient, et si je peux sembler prosélyte aujourd’hui, c’est parce que j’aurais aimé que quelqu’un dédramatise le sujet pour moi. J’ai conscience qu’il puisse être plus confortable de rédiger des ordonnances plutôt que d’effectuer des actes médicaux, même banals – actes qui, s’il ne sont pas pratiqués avec un minimum de savoir-faire, peuvent effectivement avoir des conséquences fâcheuses –, mais j’en veux toujours beaucoup à cette gynécologue qui, du haut de son petit piédestal, s’est allègrement assise sur la parole de la jeune femme que j’étais.
Souvenons-nous que la meilleure contraception est celle que l’on choisit en toute connaissance de cause et qui nous convient, pas celle qui nous est imposée !