Emmanuel André vs l’épidémiologie populaire

Le vendredi 04 septembre dernier, Emmanuel André, grand animateur du paysage médiatique belge de cette année 2020, est venu expliquer sa conception de la situation politique actuelle dans la matinale de la Première.

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7 septembre 2020

Le vendredi 04 septembre dernier, Emmanuel André, grand animateur du paysage médiatique belge de cette année 2020, est venu expliquer sa conception de la situation politique actuelle dans la matinale de la Première. Comme c’est le cas depuis des mois, celui dont on peut légitimement penser qu’il est sans doute un éminent chercheur dans son champ de compétence académique, nous a livré en détail le cadre dans lequel il semble effectivement penser son action. Il s’agit, hélas, d’une entreprise très contestable de simplification du débat que lui, et certain.e.s de ses collègues, mènent depuis des mois et qui a conduit à réduire toutes les discussions autour des mesures prises dans le cadre de la lutte contre le virus Covid19 à une alternative infernale. Celle-ci se formule désormais clairement ainsi : face à la catastrophe sanitaire qui nous menace, soit vous êtes pour la technocratie et la prise de pouvoir des experts (présentée comme entité unifiée) au nom de LA science, soit vous êtes des populistes anti-science prompts à verser dans le complotisme.

Durant l’interview menée, par un journaliste peu à son avantage tant il est dépassé par le sujet de la discussion, Emmanuel André va, pour penser les rapports entre politiques et scientifiques, prendre, à plusieurs reprises, l’exemple de l’urgence climatique. Il s’agit pour lui de prouver qu’à un moment, quand les scientifiques annoncent l’imminence de la catastrophe, des mesures impopulaires doivent pouvoir être prises au nom de leurs prédications. L’analogie qu’il propose pour étayer son propos et la manière dont il le construit, nous a beaucoup intéressés parce qu’elle nous a poussés à relire un texte de François Thoreau et Benedikte Zitouni que nous avions publié en décembre 2018.

Dans « Contre l’effondrement : agir pour des milieux vivaces« , ces deux chercheurs montrent comment la collapsologie s’appuie sur la science (le GIEC) pour fabriquer un grand récit sans peuple du désastre écologique à venir et revendiquer que les experts prennent le contrôle de la cabine de pilotage pour imposer les sacrifices nécessaires à une population maintenue dans un rôle de citoyen impuissant. En d’autres termes, comment au nom de l’urgence écologique, on propose l’instauration d’une forme de technocratie fondamentalement impopulaire (puisque le peuple ne peut rien; de toutes façons).

De ce point de vue, nous pensons qu’Emmanuel André a vraiment raison de prendre l’exemple de la crise climatique pour penser les rapports entre science et politique. Cela nous semble très pertinent. Et nous vous invitons à relire le texte de François Thoreau et Benedikte Zitouni pour prendre la mesure de ce que cela implique.

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