Pourquoi faire son Choming out?

Samedi 4 décembre 2010, Nuits du Paradoxe. Au beau milieu d’un week-end consacré au travail en mode chômage, des membres de l’asbl « D’une Certaine Gaieté», les collectifs Choming Out de Bruxelles et de Liège ainsi que le public (composé de chômeurs, de précaires, de personnes issues du monde syndical ou d’institutions concernées par le sujet, telle Smart…) s’installent autour d’une table ronde pour aborder une étrange question : pourquoi faire son choming out ici et maintenant?

22 mars 2011

Compte rendu de la rencontre de décembre 2010

Parce qu’un bel exemple vaut toujours mieux qu’une grande explication, D’une Certaine Gaieté ouvrait la discussion en faisant son Choming out : ça fait bien longtemps que l’association bosse avec tout un réseau de collaborateurs qui restent statutairement des chômeurs. Une part considérable de la production qui s’y réalise se retrouve systématiquement coincée dans une sorte de no-(wo)man’s-land du droit du travail. Régime des petites indemnités, contrats Smart, ALE… ça semble foireux, certes, mais le pire, c’est encore que tout ce bricolage reste légal!
Quand le plan d’activation du comportement des chômeurs débarque, comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, il écrase les détails – et nie toute cette débrouille forcée. La règle joue la clarté : si on n’intègre pas le salariat, alors on continue d’être chômeurs – logique implacable mais irréelle. Bref, l’équipe de D’une Certaine Gaieté en déduit que l’heure du système D a sonné : désormais, il faut affronter le problème – et donc, pour commencer, le nommer. Le travail en mode chômage existe!

Choming Out Bruxelles : de nouveaux imaginaires

Il nous manque une figure pour nommer cette réalité. Le collectif bruxellois qui a écrit le fanzine «Choming Out – les désirs ne chôment pas » (publié aux éditions D’une Certaine Gaieté) refuse de se laisser encadrer dans les catégories administratives stérilisantes et inadaptées. Dans leur réalité, ça ne veut rien dire que ranger ses membres parmi les «chômeurs » ou les « travailleurs ». Tour à tour, on pourrait les appeler « voyageurs », « dormeurs» ou « guerriers » — ça, ça aurait un peu plus de sens.

Alors, faire son Choming out permet de fissurer ces catégories vicieuses et de s’attaquer aux morales patronales, chrétiennes et paternalistes qui les nourrissent. Ça rend aussi possible d’assumer le douloureux héritage des années 80. À l’époque, les plans à la Thatcher commencent à détruire tous les projets qui, dans les années 60 et 70, ont tenté de faire passer les désirs dans des expériences communautaires – et plus dans la création de sa petite entreprise. Ça facilite la tâche si on veut se protéger du plan d’activation des comportements – qui suivent les voies ouvertes à ce moment-là. Mais ça ne suffit pas. On ne s’en sortira pas sans proposer de nouveaux imaginaires. Il faut oser l’affirmer : dans une lutte sociale, évidemment, il y a toujours une dimension prosaïque (il faut bien manger), mais on perd l’essentiel si on n’y intègre pas aussi un niveau poétique – parce que c’est ce grand désir de chanter, de danser, de bavarder, de s’émanciper qui nous permet d’habiter le monde avec dignité.

Choming Out Liège : le travail à l’aune de la convenabilité

À Liège, un autre collectif Choming Out se prépare depuis quelques mois. Après avoir lu le premier fanzine de leurs homologues bruxellois [ref]voir http://www.choming-out.collectifs.net/index.php?/ete-2009/ne-pas-ceder-sur-nos-desirs[/ref], un groupe hétéroclite tente de comprendre comment mener une bagarre pertinente pour détruire la distinction problématique entre « chômeurs » et «travailleurs ». Car si on utilise les premiers comme levier pour abaisser les conditions des seconds, on devrait pouvoir inverser la direction des forces et prendre appui sur le statut des « demandeurs d’emploi » pour rendre meilleure l’existence des salariés.
Faire son Choming out offre la possibilité de penser toute l’affaire différemment : à la base, il n’y aurait plus l’emploi, mais l’activité qu’on exerce en toute autodétermination – celle qu’on a quand on est, par exemple, au chômage. Si le travail salarié ne représente plus la configuration sociale par défaut, une question surgit : pourquoi est-ce qu’on arrêterait de faire ce qu’on fout par soi-même pour sa communauté pour devenir l’instrument de la volonté d’un boss? Le problème de l’employabilité se dissout dans celui de la convenabilité du travail : tout job proposé (ou imposé) doit être soutenable. Et celui qu’on appelle aujourd’hui chômeur deviendrait l’actif de base – la mesure d’une écologie de la production… Le plan d’accompagnement, un mauvais souvenir?

Le public aura donc reçu l’invitation. Mais faire son Choming out exige une implication personnelle. Impossible de dire d’un autre que soi qu’il est pris dans du travail en mode chômage sans tomber dans la délation. En attendant la fin du plan d’accompagnement, celle des avant-gardes politiques se précise…

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Faire son choming out?

La formule Choming out s’inspire du célèbre « {coming out} » des gays et des lesbiennes. Elle implique aussi le même type de processus : sortir de l’ombre, rompre avec toute logique de culpabilité, et nommer les choses telles qu’elles sont, telles qu’elles existent.

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