La nouvelle tombe mardi 9 octobre dans la journée : le Fiacre risque de fermer sur ordre du Bourgmestre Willy Demeyer. Les réseaux sociaux s’échauffent aussitôt. L’Entonnoir a rencontré Kim Maréchal, un des responsables du Fiacre, et remonté le fil des tweets et des commentaires facebook pour faire le point sur cette affaire qui remue le milieu culturel liégeois.
Le Fiacre a élu domicile il y a environ un an dans un magnifique bâtiment du 16ème Place St-Denis à Liège. Lieu polyvalent et pluridisciplinaire, il abrite l’ensemble des activités de l’asbl R-7. C’est à la fois une galerie d’art, un espace où s’organisent des concerts, ainsi qu’une salle de conférence et un café, en journée. Au fil des mois, les Liégeois ont adhéré en mode exponentiel aux propositions culturelles de l’équipe, jusqu’à la récente Nuit Curtius de la micro-brasserie liégeoise qui, avec un concert de Kennedy’s Bridge, a fait affluer au Fiacre des centaines de personnes, jusqu’à remplir de monde la Place Saint-Denis.
Mais ce n’est pas cet événement en lui-même qui a causé les problèmes de plainte de riverains pour nuisances sonores, lesquelles ont abouti ce 9 octobre à la réception par les responsables du Fiacre d’un courrier du Bourgmestre Willy Demeyer menaçant le lieu de fermeture. Ces plaintes ont en effet démarré assez vite après le lancement du lieu. On n’en finit plus de lister les événements et les petits lieux culturels liégeois qui se retrouvent dans ce cas de figure : Le Fiacre lui-même, dans sa première version, en Jonruelle, le Kirpi, rue Souverain-Pont, la manifestation Artival aux Halles aux Viandes en mars dernier — laquelle a failli ne pas pouvoir terminer la semaine de programmation d’activités prévue —, mais aussi des lieux existants tels la Casa Nicaragua, le Hangar ou l’An Vert (cette liste n’est pas exhaustive) qui gèrent du mieux qu’ils peuvent ces difficultés, entre politique proactive d’éducation des publics au respect des voisins, programmation de concerts acoustiques après 22h, et tentatives d’insonorisation des bâtiments dans la mesure des moyens financiers disponibles.
L’annonce de la menace de fermeture du Fiacre fait aussitôt l’effet d’une petite bombe dans le milieu culturel liégeois. En quelques heures, les réseaux sociaux ne parlent plus que de ça. Ça commence par :
Quentin le Bussy on Twitter: « #menacefermeture #Fiacre > le droit à la fête, l’accès à la culture à Liège c’est pas encore gagné hein…… http://t.co/XAwMbIX9 / Twitter »
menacefermeture #Fiacre > le droit à la fête, l’accès à la culture à Liège c’est pas encore gagné hein…… http://t.co/XAwMbIX9
Et très vite…
Margaux Leroy on Twitter: « Plus de 370 partages en 1h, les gens sont révoltés – et il y a de quoi. #Fiacre http://t.co/Z9bfpCmF / Twitter »
Plus de 370 partages en 1h, les gens sont révoltés – et il y a de quoi. #Fiacre http://t.co/Z9bfpCmF
Au point que Willy Demeyer en personne se sent dans la nécessité de publier une intervention sur sa page Facebook.
Pendant ce temps, sur Twitter, certains s’énervent :
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Tandis que d’autres lancent des propositions étranges :
Lucas Beguin on Twitter: « On pourrait peut être aussi mettre une amende aux italiens/espagnols qui klaxonnent après une victoire! #WillyDemeyer #Fiacre #Honteux / Twitter »
On pourrait peut être aussi mettre une amende aux italiens/espagnols qui klaxonnent après une victoire! #WillyDemeyer #Fiacre #Honteux
En deux jours, l’annonce du risque de fermeture sur le FB du Fiacre suscite 1507 partages et 209 commentaires!
Il faut dire que la question des petits lieux culturels est un sujet brûlant à Liège. Elle s’est d’ailleurs posée avec acuité lors du débat sur la culture organisé par Smart en présence des politiques le 2 octobre dernier à la librairie Livre aux Trésors. Beaucoup d’acteurs culturels estiment qu’il y a une vraie carence de petits lieux de création et de diffusion, tandis que les grosses institutions confisquent une grosse part du gâteau. Beaucoup disent aussi que l’occupation d’un espace plus vaste comme le Manège Fonck est trop exclusivement réservée aux mêmes opérateurs. Je vous invite à lire sur le sujet l’article de Marta Luceno Moreno dans Kult.
Mais revenons à l’affaire du Fiacre. On a d’un côté le Bourgmestre qui estime faire « son devoir » en étant à l’écoute des plaintes de riverains, et de l’autre Kim Maréchal, pour qui un ou deux riverains mécontents ne peuvent justifier la fermeture d’un lieu qui suscite à ce point l’intérêt et l’afflux du public. « C’est une question de mesure » nous dit-il. Il insiste sur le fait que la frustration liée au tryptique lieu culturel/nuisances sonores/fermeture par décision de la Ville est générale et invite les politiques à mesurer le risque que constitue une telle logique pour la culture à Liège. Comme l’évoquait un usager sur Twitter :
Hedebouw Raoul on Twitter: « Fermeture du #fiacre à #liege: bientôt il ne restera plus que l’opéra au centre ville #liegea2vitesses / Twitter »
Fermeture du #fiacre à #liege: bientôt il ne restera plus que l’opéra au centre ville #liegea2vitesses
Lorsque, demandant à Kim Maréchal quelle position son équipe et lui entendaient prendre dans les semaines à venir, je formule l’option résistance, il me coupe aussitôt : « Jamais la résistance, c’est improductif ». Clairement, la carte qu’il entend jouer est celle de la concertation. Mais avec quelles solutions potentielles? Car à moins que les riverains du Fiacre ne déménagent ou ne deviennent sourds, la situation ne risque pas d’évoluer favorablement. Même l’insonorisation du lieu, qui selon lui va être bientôt mise en oeuvre par un « collectif d’artistes » (on n’en saura pas plus…) ne règlera pas le problème des bruits à l’extérieur, quand les gens fument une clope en causant un peu fort ou qu’ils foutent un peu le souk Place Saint-Denis parce qu’ils ont bu une petite pils de trop. Sans compter ceux qui ni ne boivent ni ne fument mais se tapent royalement des riverains endormis (y’en a toujours bien quelques-uns). Et l’éducation des publics, ça prend du temps! De toute façon, soyons clairs : ce ne sont pas les quelques débordements du public qui posent problème, mais bien l’absence d’une vision globale capable de prendre en compte à la fois les enjeux en termes de territoire et d’usages urbains et les enjeux culturels. Bref, la situation est compliquée, et si toute la ville commence à ressembler à la rue Souverain-Pont, déserte après 20h, alors qu’il y a dix ans encore y vibrait une vraie nightlife, les psys vont pouvoir faire leur beurre, parce qu’on va tous péter une case.
Kim Maréchal, lui, évoque des solutions qui émergeraient de réflexions de longue date menées par des artistes et acteurs culturels qui se confrontent eux-mêmes à cette problématique. Mais quand je lui demande d’être un peu plus concret, il se réfugie derrière l’argument du « je ne veux pas faire de promesses l’air » et je reste sur ma faim.
Depuis, ça réagit en haut-lieu, et Kim Maréchal a été invité par Willy Demeyer à composer une délégation qui devait se réunir hier à l’Hôtel de Ville avec le Bourgmestre himself pour initier une concertation. On vous en dira des nouvelles, très bientôt.Se concerter, c’est bien, mais aboutir à des solutions concrètes pour éviter le scénario « Liège, ville déserte », c’est mieux. En pensant la ville comme un espace de vie global, où quotidien et culture s’interconnectent, c’est même tout à fait possible : c’est une affaire de vision.