À l’occasion du Forum Social Mondial, notre journaliste sur place, Marta Luceño Moreno, nous livre quotidiennement son journal de bord. Deuxième épisode : un forum social politique ?
» Un Forum Social Mondial en Tunisie aurait été impensable il y a deux ans, je me réjouis de voir qu’ils ont réussi à organiser un tel événement » se disait Mercedes, intervenante pour une association marocaine au forum, quand elle a vu les installations mises en place par l’organisation. Ayant vécu auparavant en Tunisie en tant qu’employée d’une ONG espagnole cet événement lui semble incroyable et lui permet de se rendre compte des changements depuis la Révolution.
» C’est vrai que ce n’est pas bien organisé, on a de véritables difficultés à s’enregistrer et à trouver les salles « . Aujourd’hui, la question de la désorganisation était dans toutes les bouches, les participants se baladaient l’air perdu dans énorme site de l’Université d’El-Manar en questionnant les volontaires et les autres participants. Les volontaires sont débordés et souvent mal informés : » nous avons des soucis d’organisation car on manque cruellement de volontaires » affirmait une jeune Tunisienne, étudiante en sciences politiques, qui n’a pas hésité à s’inscrire comme volontaire quand elle a appris que le Forum s’organisait chez elle.
Malgré le désordre et les difficultés pour assister aux conférences par manque de renseignements, l’ambiance était chaleureuse et les participants contents des interventions proposées. À part des ateliers, les petits ruelles qui mènent d’une faculté à une autre sont remplies de stands qui organisent des mini-concerts de musique originaire de leur pays. Les participants ont eu droit à des chants palestiniens, tunisiens, du Sahara… mais surtout ils ont profité du soleil timide qui se cachait entre quelque nuages passagers. Les jardins servent de campements improvisés pour des jeunes qui mangent, pour des journalistes qui font des entretiens ou pour des concerts.
Deux conférences ont accaparé l’attention médiatique et du public durant cette première journée : celle où intervenait Tariq Ramadan et Alain Gresh intitulée » Islam et gouvernance à l’ère du printemps arabe : référentiel éthique ou projet alternatif ? » et celle qui accueillait Asma Belhaid sur l’avenir des droits de l’Homme au sein des processus révolutionnaires, qui a fait le point sur les assassinats politiques après la révolution. L’intervention de la veuve de Chokri Belhaid, assassinée il y a deux mois, a été très émouvant, elle a plaidé pour la liberté d’expression et le changement de la société tunisienne vers un vivre ensemble en paix. Elle n’a pas pu contenir l’émotion, se remémorant Chokri Belhaid : » mon ami, mon collègue, mon conseilleur, mon mari, le père de mes enfants… » Elle s’est effondrée en larmes alors que le public l’applaudissait pour l’effort, pour la lutte qu’elle mène malgré la douleur.
La politique, dans tous ses états, a été très présente pendant cette première rencontre, cependant deux sujets se devinent comme les plus chauds du Forum : la Syrie et le Sahara. En effet, les deux champs de ces conflits sont représentés par différentes délégations sur place et partagent parfois des lieux – sans aucun incident pour le moment. Pendant la marche d’hier (mardi 27 mars ndlr) les participants étaient étonnés de la présence d’une délégation pro-assad et d’une autre pro-révolutionnaire, ainsi que de la présence des pro-sahara libres et des Marocains du Sahara. Est-ce qu’il faut accepter les partisans d’un régime comme celui de la Syrie ? Faudrait-il alors les interdire de venir ? Les avis sont très partagés sur cette question : liberté d’expression à tout prix ou répression des voix qui dérangent ? En tout cas, la question est soulevée à chaque coin de rue. Affaire à suivre !