Depuis deux à trois semaines, dans le sillage d’une étrange enquête de TempoTeam [ref] http://goo.gl/rk7B9 [/ref], médias et politiques préparent le terrain des mesures d’austérité qui, après la Grèce, l’Espagne et l’Italie, vont arriver chez nous. Au programme, dégressivité et limitation dans le temps des allocations de chômage. Dexia aidera-t-elle les chômeurs endettés ?
Face à un état de Crise Permanent-e, les Institutions Européennes nous « conseillent vigoureusement » d’appliquer une politique rigoureuse sur notre Etat Social Providentiel à la belge. De chercher l’harmonie avec les autres conjoints européens et de réfléchir sur nos systèmes d’allocations de chômage, de prépensions et d’indexations automatiques trop généreuses… Car ce système freinerait la volonté d’entreprendre, saperait la politique de saine concurrence, et déboucherait in fine sur la stagnation, la passivité sociale et l‘assistanat.
Depuis vingt ans, les « experts » officiels nous incitent à réduire les coûts du travail, à favoriser l’investissement par la défiscalisation, à sponsoriser la création d’emplois au bénéfice des entreprises privées Tout ça débouchant sur moins de contributions directes, mais sans pour autant créer d’emplois. Comment ? Via les recettes directes —par prélèvement sur salaire — ou indirectes — à travers les taxes à la consommation.
Le système est à découvert. Les recettes fiscales diminuent, les dettes nationales augmentent —et avec elles les taux d’intérêts — alors, on s’attaque aux services publics et aux boucs émissaires idéaux : les chômeurs, les immigrés, les « profiteurs » qui grèvent l’équilibre budgétaire…
Or, comme le disait déjà un slogan du Parti Communiste de Belgique lors de la crise des années 80 : « Ce n’est pas en vivant plus mal que ça ira mieux ! »
Tordre le cou aux idées reçues
Loin en tête du hit-parade des arguments favorables à une réforme profonde de notre assurance-chômage, il y a la figure mythique du « chômeur à vie », ç’est-à-dire celui qui toucherait encore ses allocations d’attente au moment d’arriver à la pension, sans jamais avoir travaillé, ou en tout cas pas assez ( 312 jours sur 18 mois) pour bénéficier d’une allocation « de chômage » (et non plus « d’attente »). Or, selon les dire de nos élus libéraux eux-mêmes, ce cas de figure ne concernerait que quelques centaines de personnes. Et avec le système du contrôle exercé par l’ONEM depuis plusieurs années, ces quelques centaines doivent commencer à être décimés !
Est-ce vraiment cette poignée de « chômeurs très longue durée » qui déséquilibrent le budget de la Sécu ? Que l’on compare avec les sommes englouties dans les sauvetages de Dexia, dans la politique d’intérêt notionnels, et plus généralement dans celle de « privatisation des profits et de socialisation des pertes » au profit des banques et d’autres intérêts privés.
Au-delà du cas d’école et du cliché du « chômeur professionnel », il y a surtout tout ce discours général et univoque des médias mainstream qui relayent — avec bien peu de distance et d’analyse — la volonté politique d’introduction de la dégressivité et de la limitation dans le temps du régime d’allocations de chômage en Belgique. Or, la dégressivité existe déjà de fait ! Les différents suivis et contrôles de disponibilité auxquels les chômeurs de moyenne et longue durée sont soumis induisent une limitation de fait. Les chiffres des exclusions et des sanctions à l’encontre des chômeurs sont éloquent à cet égard. On est quand même très loin d’une allocation chômage inconditionnelle et infinie !
D’autres réalités sont bonnes à rappeler, alors que le discours ambiant, qu’il émane des médias ou de la population, situe l’allocation de chômage de base autour de 1000-1100 euros. Les montants varient énormément en fonction des situations (isolé, chef de ménage, cohabitant, durée depuis la perte du dernier emploi…) et sont souvent moins bien enviables encore !
Par exemple, les jeunes qui arrivent sur le marché du travail font d’abord un stage d’attente de 9 à 12 mois sans toucher le moindre centime avant de pouvoir bénéficier de l’allocation d’attente, qui va de 400, 92 euros pour un cohabitant 770,64 euros pour un isolé.
A noter aussi que l’allocation de chômage calculée en fonction d’un dernier emploi équivaut à 60% du salaire brut, mais ne dépasse jamais, dans tous les cas, 1394 euros… et ce pendant six mois. A partir du 13ème mois, un isolé ayant perdu son emploi ne touche plus que 1089,14 euros, tandis qu’un cohabitant voit son allocation baisser jusqu’à 474,50 euros.
Haute valeur sociale ajoutée ?
Enfin, autre image d’Epinal très répandue dans les médias et dans les discours des décideurs économiques de tous poils : les fameux métiers en pénurie, et l’inadéquation des chômeurs aux réalités du marché de l’emploi… Peut-être manque-t-on effectivement de main d’œuvre dans certaines professions, mais ne doit-on pas y voir un symptome ? Peut-être que les gens ne sont plus près à faire n’importe quoi juste pour avoir un emploi, peut-être qu’il y a des métiers durs et mal payés que les gens n’ont pas envie de faire. Cela nous dit quelque chose sur la société, et sur la façon dont les gens envisagent la vie : quelque chose que les politiques et leurs experts ne prennent absolument pas en compte. Plutôt que de débourser des centaines de milliers d’euros dans des formations parfois stériles et dans des systèmes de contrôles et d’exclusion, plutôt que de subventionner des emplois peu épanouissants dans le privé, pourquoi ne pas investir massivement dans des emplois à haute valeur sociale ajoutée ? N’y a t-il pas des hordes de sans-emplois qui sortent des facs de philo-lettres et de commu, des hautes écoles à finalité éducative, socio-sanitaire, socio-culturelles ou artistiques, plus d’autres sans formation mais pleins de bonne volonté, qui pourraient faire croître notre bien-être collectif immatériel ?
RaF/NaT Pirlot-Ryckewaert