A l’occasion du 10ème Festival International Voix de Femmes, il nous a semblé pertinent de retourner aux origines. La naissance de Voix de Femmes est fortement connectée à l’émergence d’un réseau européen de femmes artistes, issues pour la plupart des arts de la scène, et dont Brigitte Kaquet, directrice du Festival Voix de femmes, a été dès le début partie prenante.
C’est l’histoire d’un rêve un peu fou né à la table d’un café à Trevignano, en Italie, il y a plus de vingt-cinq ans. L’aventure de six femmes habituées des planches, rêvant de voir un jour se réunir des comédiennes issues de différents groupes de théâtre connus au niveau européen. Cette histoire n’est pas un conte de fées, ni un roman à l’eau de rose. C’est juste un désir devenu réalité depuis 1986 : « The Magdalena Project », qui vient précisément de fêter ses vingt-cinq ans.
C’est à Wales, au pays de Galles, que le premier festival « Magdalena Project », initié par Jill Greenhalgh, a été lancé. Ce projet consistait à inviter une série de femmes investies dans le théâtre de groupe, qui se différencie du théâtre institutionnel aussi bien par son contenu que par sa forme. Ces assemblées de comédiennes s’inscrivaient principalement dans la mouvance initiée par Jerzy Grotowski, précurseur du théâtre pauvre et dont une des principales caractéristiques est l’allègement des dialogues par rapport au théâtre « classique ». Lors de ces trois semaines de résidence, chaque artiste présente proposait un « work in progress » ou un spectacle, pendant que plusieurs d’entre elles dirigeaient des ateliers. D’après Brigitte Kaquet, seule représentante belge du programme, « le fait que, lors de cette édition du festival, la majorité des professeures étaient des femmes dynamiques, a généré énormément de collaborations entre plusieurs comédiennes venues prendre part à l’évènement. Ces coopérations ont, par exemple, pris la forme d’ateliers groupés qui consistaient à créer des performances en y incluant un lieu, l’aménagement d’une scénographie et l’intégration d’une œuvre. Elles se terminaient bien sûr avec une invitation au public à participer. » Elle reprend : « Ce festival a laissé la place à un espace de dialogue assez conséquent. Par exemple, il y a eu et il existe toujours des « final round », qui sont des moments aménagés afin que les participantes puissent donner leur avis personnel concernant ce qu’elle ont vu ou ont fait durant ces quelques jours consacrés à l’art. C’est grâce à une série d’initiatives de ce type, mais aussi grâce à la motivation de certaines personnes, que le festival a pu grandir pour passer du « Festival Magdalena » au « Magdalena Project ». »
The Way of Magda
Sous l’impulsion de cette première édition, « The Way of Magda » voit le jour et vient poser les premières briques des fondations du Magdalena Project. Le développement de l’évènement connaît bien entendu des hauts et des bas, des crises, quelques questionnements ainsi que certains repositionnements concernant le travail réalisé en groupe, la raison de ce travail et les objectifs à atteindre afin d’avancer vers un même but. Plusieurs volontés communes sont mises en exergue, comme notamment les désirs de voyager et de rencontrer des personnes investies d’autres intentions mais rejoignant l’initiative à travers un processus affinitaire. La nécessité de définir des lieux de rassemblement pouvant accueillir ces ambitions va dès lors se poser .
Une myriade d’évènements va prendre forme suite à ce tournant. Notamment à Liège, qui va accueillir sont tout premier « Festival Voix de Femmes ». Selon Brigitte Kaquet, « le “Festival Voix de Femmes” est né du “Magdalena Project”. » Elle développe : « La qualité de ce rendez-vous au féminin, c’est qu’il a été conçu comme un réseau bien avant l’ère du web et la vague de mode de la toile. C’est un espace ou chacune peut proposer et faire aboutir ses idées. En Europe, les ressortissantes de certains pays étaient fort présentes sur le devant de la scène, notamment les Norvégiennes, les Danoises, les Italiennes… C’est cet apport vivant qui a permis l’existence d’un réseau. L’équipe présente en Amérique Latine œuvre aussi énormément car elle a un réel intérêt pour le projet, au point de proposer une édition à Cuba et dans d’autres endroits d’Amérique du Sud. » Elle reprend : « Cela demande énormément de travail autour de la pédagogie. D’ailleurs, il y a eu plusieurs moments dans l’histoire durant lesquels certaines se sentaient quelque peu épuisées, mais grâce à la présence de trois ou quatre personnes fondamentales, le projet à survécu. Parmi les intéressées, on peut citer Jill Greenhalgh, Julia Varley, Brigitte Carla et Geddy Anicksdal. Ce sont elles qui ont mis en place la principale règle d’élaboration concernant la survie du projet. Elles ont beaucoup travaillé sur le contact avec les femmes. C’est ce qui a permis de voir naître la deuxième génération, qui regroupe principalement l’Amérique Latine et l’Australie, ainsi que la troisième génération qui se constitue toujours de l’Amérique du Sud sur laquelle vient se greffer notamment la Grèce. »
Le vingt-cinquième anniversaire
C’est donc après un beau et long parcours que le Magdalena Project a soufflé ses vingt-cinq bougies et fêté ainsi dignement son quart de siècle d’existence. C’était en août 2011 et Cardiff a célébré l’évènement comme il se doit. Cent comédiennes de pays, de générations et de continents différents y ont été accueillies. « C’était un moment extrêmement émouvant. » affirme la directrice du Festival Voix de Femmes. « L’énergie, la volonté et l’enthousiasme étaient palpables, c’était incroyable. » Durant cet évènement, plusieurs femmes ont également travaillé sur les éditions de plaquettes « open page », un type de revue généralement conduite par Jilly Adams.
Les cadeaux
Qui dit anniversaire dit cadeau, et celui du Magdalena Project a été tout d’abord l’arrivée du web. Internet a en effet permis la création d’un forum, afin qu’un échange constant d’informations puisse connecter ce qui se passe dans les différents pays composant le réseau Magdalena. Ensuite, le fait que la troisième génération de participantes propose énormément d’idées et de lieux géographiques différents (comme la Turquie, la Nouvelle-Zélande ou encore Taïwan…) tout en gardant la volonté de rester dans le même axe que les objectifs de départ, permet au schéma de se renouveler. Enfin, troisièmement, soulignons le fait que cette proposition artistique trouve sa force dans la marge puisqu’elle se différencie du théâtre institutionnel tout en gardant une volonté et un besoin de dynamisme et de création.
Une histoire ouverte…
Ce sont les mots de Brigitte Kaquet qui viennent poser la cerise sur le gâteau, projetant le « Magdalena Project » dans le futur. « J’aimerais personnellement que le développement devienne quasi mondial et qu’un jour on puisse voir des artistes d’Afrique et des Etats-Unis nous rejoindre. Malheureusement, ce sont un peu les parents pauvres du « Magdalena Project », puisque ce sont des continents regroupant des pays avec lesquels nous n’avons que trop peu de contacts. J’aimerais également, pour les années à venir, que le « Festival Voix de Femmes » renoue des liens plus étroits avec ce programme. Je voudrais créer une rencontre Magdalena supplémentaire qui viendrait s’ajouter au Festival et qui permettrait de revenir à cette dynamique. »
Laïla Hadi
www.themagdalenaproject.org
www.voixdefemmes.org