Extension du domaine de l’euthanasie

4 avril 2013

Jusqu’ici, l’euthanasie fonctionne strictement au niveau individuel – et, par ailleurs, même si elle a un caractère légal, son principe reste pas mal contesté. Mais laissons un instant ces considérations de côté pour explorer, un bref instant, les possibilités que pourraient nous offrir ce dispositif d’assistance de fin de vie si on tentait de l’appliquer au niveau institutionnel. Bref, si le corps agonisant qu’il s’agirait d’aider à mourir devenait une organisation, un dogme, une structure sociale. Imaginons quel rituel il s’agirait de mettre en place, quel problème il s’agirait d’affronter…

Il faudrait d’abord être sûr qu’on veut arrêter les frais. Il y aurait un débat contradictoire entre spécialistes, politiciens et simples quidams qui pensent avoir quelque chose à en dire (on vous parle d’un monde qui n’existe pas, hein!). Les raisons de l’euthanasie seraient expliquées à tout un chacun. On pourrait par exemple demander à stopper l’étalement urbain… Il faudrait expliquer que c’est mal parce que ça consomme de l’espace, que ça éloigne les gens de leur travail, que ça nécessite l’utilisation de la voiture, etc.. De plus, il n’y a rien de plus moche qu’un lotissement de villas quatre façades. Mais cette remarque n’engage que l’auteur de ces lignes. On pourrait aussi décider de mettre fin aux jours de la cérémonie d’exorcisme. Il est en effet bien connu que le clerc chargé d’éloigner le démon, le curé donc, est habité par Satan !

On organiserait ensuite un vote au parlement et/ou un référendum (dans ce fameux monde qui n’existe pas…).

Le vote effectué, la décision serait irrévocable. Commencerait alors le processus de mise à mort. On irait tout d’abord chercher les théoriciens et les défenseurs des institutions en question. Ils pourraient faire un discours où ils expliqueraient pourquoi c’était si bien, dans le temps… Imaginez les dirigeants du MR pleurer sur les intérêts notionnels ou DSK verser une larme devant le FMI… Pour les « heures supplémentaires », on pourrait appeler le chef des facilitateurs de l’ONEM qui se retrouverait ipso facto le seul chômeur de Belgique.

D’autres exemples d’institutions à euthanasier ? En voici…

Les soldes (ou comment profiter de bonnes affaires qui n’en sont pas vraiment).

Les droits d’auteurs (parce que septante ans, c’est un bon âge pour mourir).

L’enseignement gratuit (parce qu’on ne va tout de même pas payer pour des futurs chômeurs, hein ?!?).

Les lundis (personne n’aime les lundis).

La police financière (quelqu’un se rappelle-t-il de la dernière fois où un vrai fraudeur a été attrapé ?).

Les émissions de télé (parce que ça prend trop de temps entre les pubs).

Les deux cents premiers kilomètres de Liège-Bastogne-Liège (parce que ça n’intéresse personne de savoir qui était dans l’échappée matinale)…

Le roi se rendrait alors en Vespa dans le palais Poelart (reconverti depuis lors en cimetière destiné à accueillir les dépouilles résultant de ces euthanasies d’une genre nouveau, on penserait même à en construire un deuxième dans les Ardennes, faute de place) et signerait l’arrêt de mort. Ensuite, le premier ministre offrirait des fûts de Westvleteren triple et servirait les moules-frites sur la Grand-Place où on ferait la fête jusqu’aux petites heures au rythme de l’orchestre philharmonique de Belgique qui jouerait des reprises du Combo Belge.

Mais finalement, quand on y réfléchit bien, cette situation a déjà été vécue ! Il n’y a pas si longtemps. Pas de cette manière bien sûr, les modalités concernant la décision ainsi que la fête n’ont pas vraiment eu lieu, mais qu’à cela ne tienne ! On ne s’est pas vraiment plaint quand on a décidé de tuer l’intérêt général…

 

François Kinet

 

Lire aussi

Analyse

Benedikte Zitouni, François Thoreau

- 13 décembre 2018

- 17 décembre 2018