Des années d’hiver

5 avril 2013

Vous avez essayé de vous changer les idées en tentant de vous passionner pour l’affaire Cahuzac, vous avez même souscrit un abonnement à Mediapart. Rien à faire. Alors vous avez tenté de vous plonger dans les 1/4 de final de la ligue des champions, d’enquêter un peu sur l’épidémie de décès qui entoure l’émission Koh Lanta, de penser que The Voice avait quelque chose à voir avec une sorte de service public 2.0. Rien à faire. Même le le scandale de l’offshore leaks ne vous permet pas de penser à autre chose. Et ça vous obsède du soir au matin : m’enfin c’est quoi cette météo pourrie!   

Toutes les nuits, vous rêvez de barbecue, vous vous imaginez porter des tongs, des bermudas, des paréos. Vous aimeriez tant transpirer autrement que parce que vous avez la crève ! Puis le matin, en enfilant votre veste d’hiver que vous haïssez chaque jour un peu plus et en foutant sur votre tête déconfite ce bonnet de merde qui-pue-parce-que-vous-n’avez-plus-envie-de-le-laver, vous vous demandez : sommes-nous entrés de plein pied dans l’ère glacière et si oui, comment s’organiser ? Et bien, figurez-vous qu’à l’Entonnoir, nous aussi, nous ne parlons plus que de ça : le temps qu’il fait.

On a donc voulu en savoir plus. Et autant vous prévenir tout de suite, les éléments dont nous disposons à l’heure d’écrire ce texte nous portent à croire qu’il ne sert à rien d’acheter de la crème solaire ou de ranger vos pulls à col roulé : il va cailler encore longtemps !

Il y a tout d’abord ce texte qu’une de nos journalistes spécialiste de la curation a découvert le 1er avril sur un site dont nous ne savons rien – mais est-ce que nous savions qu’on pouvait passer les fêtes de Pâques avec un passe-montagne et une doudoune ? L’article, publié par Eddenya, nous a paru des plus convaincant bien qu’il se basait sur les travaux d’un météorologue douteusement nommé Yuri Cane. Qu’importe, toute la rédac’, déroutée par le climat, trouvait enfin des explications relativement cohérentes pour faire face à l’improbable situation météorologique qui était la nôtre :

Le courant-jet était déjà modifié par la fonte de l’Arctique, mais la pluie de météorites qui s’est produite en février non loin de l’Oural a complètement perturbé la composition de l’atmosphère. Lors de son explosion, la météorite a dégagé une énergie équivalant à 500 kilotonnes de TNT, soit une trentaine de fois l’énergie estimée de la bombe atomique tombée sur Hiroshima en août 1945. L’explosion a libéré une incroyable concentration d’aérosols en haute atmosphère. Ceux-ci, au même titre que les éruptions volcaniques majeures (celle du Pinatubo notamment), renvoient une grande partie du rayonnement solaire vers l’espace. Les aérosols émis par la météorite ont donc favorisé le prolongement des températures hivernales. La dernière météorite connue pour avoir modifié le climat de la sorte remonte à 66 millions d’années, et avait décimé les dinosaures.

En décembre, nous avons tout bien avec cette histoire de fin du monde – là, on fait déjà moins les malins…

Nous sommes désormais convaincus que l’hiver durera encore de longues semaines. Certes, toutes les recherches effectuée autour du nom Yuri Cane nous amènent vers un DJ de trance russe mais le journalisme d’investigation est aussi affaire d’intuition – la nôtre, c’est qu’on peut très bien être producteur de techno la nuit et météorologiste le jour (surtout au pays de Vladimir Poutine).

Bonhomme hiver

 

Mais bon, notre sacro-sainte déontologie, comme vous savez, ce n’est pas rien, nous devons recouper les infos : nous cherchons d’autres commentaires, des preuves supplémentaires…

Nous trouvons sur le blog Ze Rhubarbe Blog un texte de Vincent Verschoore qui nous éclaire définitivement autant qu’il nous plonge durablement dans l’effroi. Tout repose sur l’étude d’un compatriote de notre DJ/météorologiste russe nommé Habibullo Abdussamatov. Le gars bosse pour la St Petersburg Pulkovo Astronomical Observatory et a publié, en 2005, une étude qui montre que nous sommes affectés par deux cycles solaires : un cycle court (11 ans) et un plus long (+/- 200 ans). Or des gravures du début du 19è et des premières années du 17è montrent clairement des signes de refroidissement : faîtes vous-même le calcul…

Nos espérances s’envolent en même temps que nos derniers doutes : nous sommes aux portes d’un petit âge glaciaire. Il ne nous reste plus qu’à faire face et à nous organiser. Notre longue pratique de l’exploration du quotidien nous rend particulièrement capables de nous adapter aux situations les plus extrêmes – sans quitter notre bureau, en cherchant des solutions sur internet.

Tout d’abord, comme nous allons souffrir durablement du froid et disposerons d’un surcroît non négligeable d’emmerdantes soirées d’hiver, nous décidons de laisser tomber pour un temps le transmedia storytelling pour nous dédier au tricot. Certains d’entre nous commençons à suivre des cours en ligne disponible sur Tricotin. com – le plus complet et le plus interactif des sites dédiés aux arts de la laine. Mais bientôt nos vies changeront tellement qu’il ne sera pas possible d’envisager de répondre au bouleversement en portant simplement un poncho en pure laine vierge ! Il faut voir plus loin : et nous demander où nous vivrons demain ?

Une de nos équipes étudie la construction d’igloo – ça n’a pas l’air compliqué et on pense demander un coup de main à nos potes de ReLab qui pourrait nous aider avec la découpe laser.

D’autres, un peu pris de catatonie, se limite à regarder certaines scènes de Jeremiah Johnson, du Docteur Zhivago et de Nanouk l’esquimau. Quelques-uns, refusant de sombrer dans cette passivité, tentent de se redonner du courage en écoutant de vieux tubes de The Police ou de U2. De toute façon tout le monde boit de la vodka et s’empiffre de plats en sauce bien gras…

Et puis au moment où nous voulions conclure, une rumeur enfle : aux alentours du 10 avril, nous nous promènerons tous en t-shirt et les terrasses ne désempliraient pas de badauds souriant, arborant fièrement leurs lunettes de soleil ! Nous laissons immédiatement tout tomber et partons sans coup férir à la recherche d’une confirmation – le journalisme d’investigation n’hésite jamais à changer de direction (surtout si ça peut lui permettre de mettre la main sur le printemps).

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