À 25 ans, L. s’est rendue pour la deuxième fois au Forum Social Mondial cette année. La première fois, c’était à Dakar, il y a deuxans. « J’avais répondu à un appel à candidatures qu’avait lancé Bruxelles-Laïque. Les jeunes sélectionnés avaient la chance d’assister au Forum Social Mondial de Dakar. Je ne sais pas si c’est parce que j’étais plus jeune, si c’est parce que le Forum était moins bien ou si c’est parce que le lieu avait beaucoup d’influence mais je n’ai pas autant apprécié le forum de Dakar que celui de cette année à Tunis. Pour la Tunisie, c’est pareil, j’ai répondu à un appel à candidature du BIJ, cette fois-ci. J’étais très motivée pour le contexte socio-politique du pays, finalement plus que de participer au Forum. »
L. n’appartient à aucun parti, aucune association ou syndicat, même si cela ne l’empêche pas de les « fréquenter ». Elle se considère « plutôt comme un électron libre ». Sans vraiment savoir comment l’expliquer, elle confie avoir « toujours été révoltée par l’injustice sur n’importe quel sujet ». Après des études en Sciences de la population et du développement, la jeune liégeoise commence à participer à des manifestations de soutien pour les sans-papiers, s’engage dans la lutte « contre le système basé sur le mode de production capitaliste » et fréquente les milieux alternatifs comme les squats. « C’est vraiment suite à mes études que j’ai voulu m’investir. En 2011, j’ai rejoint une initiative de Bruxelles-Laïques qui était de permettre à des jeunes d’organiser un festival sur n’importe quelle thématique et ce, pour viser un public jeune et faire de la sensibilisation. De là, avec quatre autres personnes, nous nous sommes constitués en collectif et depuis nous travaillons sur la thématique des migrations. »
C’est en toute logique qu’elle qualifie son engagement de « jeune et axé sur les migrations ». « Jeune, parce que je le suis et que je suis encore pleine d’espoir de changement. Axé sur les migrations parce que c’est une des thématiques qui m’intéresse le plus. » Elle se dit « vraiment interloquée de voir comment certaines personnes sont exclues des droits fondamentaux dans des sociétés qui se vantent de mettre en place une démocratie et d’appliquer les droits de l’homme. »
Outre ses deux participations aux forums de Dakar et Tunis, L. participe souvent à d’autres luttes. Elle était présente à la marche européenne des sans-papiers, s’est rendue à la ZAD (contre la construction de l’aéroport à Notre-dames-des-Landes) en janvier dernier et se rend régulièrement à « des tas de manifs anti-raciste et anti-système ». « Je trouve aussi que l’engagement se réalise de manière positive, dans le sens de créer, en opposition à une perpétuelle critique. Sinon c’est la dépression. Par exemple j’ai un potager à Liège depuis peu avec des amis, j’ai fait des chantiers internationaux, j’ai aussi été il y a peu, pendant une dizaine de jours, dans une communauté près de Bristol. Ce sont des expériences qui nourrissent et qui re-motivent. »
Toujours indépendante, L. s’interroge sur la société dans laquelle elle vit et essaye de saisir chaque opportunité de découvrir de nouvelles formes d’engagement et de lutte. Le Forum Social de Tunis en a été une nouvelle. Partie dans le cadre d’une collaboration entre LOJIQ asbl (une association québécoise) et le BIJ (Bureau International de la Jeunesse), elle s’est retrouvée dans une délégation francophone de Québécois, Français, Belges et Tunisiens. Tout son voyage était financé. « Nous avons présenté un atelier sur « l’engagement des jeunes » au forum. Rien que d’échanger nos expériences respectives pendant une semaine a été une source de motivation au niveau de l’engagement pour chacun d’entre nous je pense. »
Sur place, L. assiste à d’autres ateliers, impressionnée par le nombre proposé, des centaines différents par tranche d’heure et la quantité de sujets abordés. « On ne savait plus où donner de la tête ! Maintenant, certains ateliers étaient assez « mous » et ça c’était décevant. J’ai adoré ceux sur la campagne anti gaz de schiste et sur la campagne anti-Frontex, FRONTEXIT, encadrée entre autres par le CNCD et le CIRE, parce que c’est concret. »
Comme la plupart des gens qui reviennent du Forum de Tunis, L. a du mal à se faire un avis clair sur l’ensemble de l’événement. Pour elle, « le Forum est déjà un rassemblement d’organisations institutionnalisée, ce qui n’est pas une mauvaise chose en soi. Mais on peut remarquer la prédominance de certaines associations internationales, comme Caritas qui était très présent. J’ai trouvé intéressant que les anarchistes aient eu leur place pour faire un forum alternatif. Si j’ai bien compris, le Forum sert en grande partie à faire du réseautage entre associations et entre personnes. »
Au retour de son voyage, L. prend le Forum comme une expérience intéressante et enrichissante. Des rencontres, des contacts pris et surtout de nombreuses interrogations. Sur les sponsors, par exemple, quand elle a réalisé que la compagnie de Tunis airlines était le sponsor pincipal, « ça pose question ! ». Sur l’avenir du Forum aussi : « j’ai entendu dire qu’il était en train de mourir et que c’est une des dernières année qu’il existe parce qu’il n’est plus une source de re-mobilisation des forces communes, comme il a pu l’être auparavant. » Surtout sur le choix de la Tunisie, qui selon elle n’est pas anodin après le Printemps arabe. « C’était super intéressant à ce niveau, on sentait une effervescence et un bouillonnement d’envie et de possibilités de changement au sein du peuple tunisien – celui évidemment présent au forum ! C’était assez extraordinaire ! Notamment au sein des assemblées de convergence sur les mouvements sociaux, où on sentait vraiment cette énergie pour faire changer les choses. Par contre je ressens une certaine frustration de n’être restée qu’une semaine en Tunisie. J’aurais voulu rester plus, la situation est tellement complexe, cela m’aurait permis de mieux la saisir. »