Ma récente visite chez la gynécologue

10 mars 2015

Préambule au colloque Femmes et Santé

J’entre dans la salle d’attente du cabinet gynécologique où des haut– parleurs diffusent des berceuses interprétées grossièrement. Une étagère bien éclairée exhibe de multiples faire-parts de naissances. J’ai plus de trente ans, je suis en couple,  je n’ai pas d’enfants, et ne désire pas en avoir pour l’instant, mais cela ne va pas toujours de soi dans une époque où la maternité reste magnifiée.

Féministe et militante, j’ai déjà réfléchi à plusieurs reprises sur les enjeux qu’il y a autour du corps des femmes, leur instrumentalisation et leur contrôle. Mais il y a toujours un fossé entre la théorie et la pratique.

Aujourd’hui, mon âme de curieuse va éprouver mon corps de patiente.
La gynécologue m’accueille chaleureusement. Je lui expose l’objet de ma visite : « Je souhaite arrêter la contraception hormonale et installer un stérilet. »
Son sourire s’efface : « Vous êtes vraiment sûre de ne pas vouloir d’enfants ? C’est un choix irréversible ? ».

Alors là je tombe des nues ! Je pensais consulter pour un contraceptif pas pour une stérilisation !

Devant ma réaction étonnée, elle m’explique savamment : «  Je ne vous conseille pas le stérilet en cuivre car les risques d’attraper une infection des trompes pouvant entrainer une stérilité sont fortement augmentés »

A partir de ce moment-là elle commence son prêche médical dans tout ce qu’il peut contenir de jugeant et d’inexact. Ma confiance et ma sagacité flanchent, et lui laissent le champ libre.

En mon for intérieur, je me dis : « elle ne me demande même pas si j’ai un partenaire régulier ou si j’ai des rapports protégés, ce qui diminue vachement les risques de contamination avec ou sans stérilet». Mais comme une enfant je reste muette devant l’autorité en blouse blanche, et pourtant j’aurais tellement envie de lui dire : « Chère madame la science, je vous rappelle que le contraceptif hormonal logé dans mon vagin contient en ce qui le concerne des risques de thromboses veineuses ou artérielles (rien de moins qu’un AVC). D’ailleurs ces risques là, vous ne m’en avez jamais parlé … »

Deux produits, deux « imaginaires » de la contraception, deux modes de prescription et d’information …
La séance continue. C’est un peu crispée que j’exécute la gymnastique traditionnelle : les fesses à l’air, jambes écartées sur les étriers suspendus, le tout sous la lumière clinique du néon. La gynécologue m’examine et en profite pour me présenter le stérilet hormonal développé par les laboratoires Bayer-Schering  et me vend ses avantages : « Moins  douloureux à la pose, prévient les risques d’infections, permet la totale ou quasi disparition des hideuses menstruations. Un must. »

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A ce moment de la consultation, j’observe mon bel utérus sur l’écran de l’échographie mais il ne me renvoie aucun contre-argument. A bien y regarder, il m’a l’air effaré, on dirait qu’il se sent lui aussi un peu con et timide face à la science et aux machines. Cependant je sens monter en moi une colère qui

ne vient pas de ma méconnaissance de la cartographie des possibles en termes de contraception, mais de l’information trop partielle et partisane que je suis en train de recevoir d’une médecin, qui plus est une femme, dont j’attends exactement le contraire : information éclairée, exhaustive (autant que possible), circonstanciée et empathique.

Devant mon assurance qui se dégonfle et m’inhibe autant que la position dans laquelle je suis installée, la médecin bat en brèche contre le stérilet en cuivre.
Outre le risque d’infection qui prend désormais dans mon imaginaire la forme d’une épée de Damoclès qui pourrait à tout jamais m’amputer de mes ovaires , elle insiste et invoque encore toutes sortes d’arguments qui se révèleront erronés ou absurdes !

Le coût économique

Elle me prévient : « Si jamais vous faites un rejet, vous aurez dépensé 140 euros pour rien ». Après un coup d’œil sur le blog de ma mutuelle, j’apprends qu’un stérilet en cuivre coûte en réalité entre 18 et 67 euros pour 5 ans contre en revanche 141 euros pour un stérilet hormonal, et que le risque de rejet est le même dans les deux cas. Je découvre par la même occasion que la Wallonie, enfin la société Mithra, a accouché de son propre stérilet hormonal. Je vous en parlerai plus tard.

Le prix de la souffrance

Elle me présente la pose du stérilet en cuivre comme suit : «Ce sera un moment extrêmement douloureux, quasi insupportable … surtout pour une nullipare comme vous » ( i.e. celles qui n’ont pas encore d’enfants). J’ai envie de lui dire : « A mon âge, je pense pouvoir gérer la douleur ». Mais bon, j’oublie que depuis le début de la consultation on me parle comme à une ado peu responsable d’elle-même.
Rien ne sort de ma bouche, elle continue …

Le débordement

Elle me promet  « des règles surabondantes qui pourraient transformer votre vie en enfer ». Sauf qu’à bien y regarder je ne corresponds pas au profil des potentielles victimes de ce stérilet tortionnaire, j’ai des menstrus courtes et qui me coûtent 4 à 6 tampons par mois. C’est vous dire que je ne m’épanche guère à cet endroit.

Je ne l’écoute plus, je capitule même en acceptant une salve d’ordonnances pour une contraception hormonale vaginale.
Pendant 20 minutes, j’ai eu l’impression d’être infantilisée et que le salut de mes ovaires ne passerait que par la consommation d’hormones développées par des laboratoires pharmaceutiques dont je dois aveuglément croire que je suis en tant que femme dans ses multidimensions (physiologique, physique, vécue, ressentie) l’objet principal de leur attention.

Je vous laisse imaginer le sermon qu’on doit vous servir si jamais vous avez la hardiesse de vous présenter auprès de tel-le-s médecins, pour un avortement, une ligature des trompes, ou si vous sortez de la norme hétérosexuelle.
Je quitte le cabinet gynécologique, fâchée, n’ayant pas eu le ressort de contrecarrer son discours moralisant. J’ai dépensé 50 euros pour me payer une colère et une furieuse envie de d’en savoir plus. Je lui dis « aurevoir », je pense « adieu ».

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