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Leatherface and co

Le festival de films cultes « Offscreen » envahit Liège. Découvrez la programmation sur l’entonnoir !

16 mars 2015

Quarante ans après sa sortie, les cris des victimes de Leatherface résonnent encore dans toutes les têtes. Œuvre abjecte ou génie avant-gardiste, chacun y va de son avis. En cinq mots clés, quelques anecdotes qui changeront peut-être votre vision de ce monument du cinéma d’horreur.

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TRONÇONNEUSE : Nan mais, t’es serial killer et t’as pas de tronçonneuse, nan mais allô quoi ?!

L’idée de la tronçonneuse est venue à Hooper alors qu’il attendait à la caisse d’un magasin de bricolage. Il patientait à côté d’une pile de tronçonneuses quand, agacé par l’attente, l’idée de découper tous les clients présents jusqu’à la sortie lui a frôlé l’esprit. Normal quoi. Ainsi est né un des premiers slashers de l’histoire du cinéma. Le slasher, pour rappel, est une catégorie du cinéma d’horreur où un tueur psychopathe, bien souvent masqué (Vendredi 13, Scream, Souviens-toi l’été dernier…), poursuit inlassablement ses victimes pour les découper à l’arme blanche. Bien souvent, il s’agit d’un cinéma à petit budget, peu apprécié des critiques et dont les scénarios fonctionnent sur des schémas éprouvés : de suites en remakes et de remakes en suites…
Le choix de la tronçonneuse s’est révélé plutôt économique pour Hooper, lui permettant de remplacer la musique des scènes de meurtre par le bruit du moteur de la tronçonneuse, créant de ce fait un véritable leitmotiv sonore pour accompagner Leatherface et terrifier encore plus, si besoin en était, le spectateur.

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Du FLOWER POWER… à l’horreur : Le parcours désenchanté de Tobe Hooper.

À peine sorti de l’université du Texas, Hooper incarne la fraîcheur et l’innocence de la jeunesse des années 1960. Influencé par le courant hippie, il réalisera son premier long métrage en 1970 : Eggshells, un docu sur le groupe folk Peter, Paul and Mary. Mais L’affaire du boucher de Plainfield, l’assassinat de J.F.K, le Watergate, le massacre de la famille Manson, la récession et la guerre du Vietnam sont autant d’événements qui assombrissent le paysage américain et plombent le moral de ses citoyens. Hooper n’y échappe pas. Au placard les tongues et le ukulélé, et bonjour Massacre à la tronçonneuse. En quatre ans seulement, le jeune Hooper prend conscience du climat de soupçon et de paranoïa qui règne dans son pays et décide d’en tirer avantage : pourquoi ne pas mettre en scène l’histoire d’un Boogeyman, un tueur psychopathe masqué ? Hooper veut balayer le coté rassurant du fantastique et ancrer son film dans la réalité pour provoquer une peur plus réelle, plus viscérale chez son spectateur. Le mal n’est pas en Asie ou en Europe, le mal est intérieur, le mal est proche: qui sait ce que la cave de votre voisin contient ?
D’aucuns qualifient injustement Hooper de « cinéaste d’un seul film ». S’il est vrai qu’Hooper a rencontré beaucoup moins de succès avec ses autres projets qu’avec MAT, il n’en signe pas moins d’autres petits bijoux de l’horreur : Eaten Alive (ou Le Crocodile de la mort en français… sérieux ?!) avec Marylin Burns (l’actrice principale de MAT) en 1977, sera acclamé dans de nombreux festivals d’horreur et recevra le Grand Prix et le Prix de l’interprétation masculine pour Neville Brand au Festival du Film Fantastique de Paris de 1978. Mais aussi Massacres dans le train fantôme, qu’Hooper signera pour Universal Pictures en 1981 et Poltergeist, qu’il réalisera pour Spielpberg, rien de moins, en 1982. Hooper rejoint les rangs de la Cannon Group en 1985 pour qui il réalisera Lifeforce, L’invasion vient de Mars et Massacre à la tronçonneuse 2. Hooper n’est donc pas le cinéaste d’un seul film, mais plutôt d’un seul genre : l’horreur.

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Un certain Ed GEIN

Comme son prédécesseur Psychose et son successeur Le Silence des Agneaux, Massacre à la tronçonneuse s’inspire du même fait réel : L’affaire du boucher de Plainfield. Ce sordide fait divers a secoué les Etats-Unis dans les années 1950. C’est plus précisément le 16 novembre 1957 qu’Ed Gein, un homme de 51 ans du Wisconsin, se fait arrêter après la découverte dans la ferme familiale de plusieurs objets en peaux humaines : abat-jours, gants, rideaux,… Rajoutez quelques cadavres et plusieurs bocaux avec des bouts d’humains et vous avez là le parfait serial-killer qui fera frissonner le monde entier durant des décennies !

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Reine des HURLEMENTS.

Avec Massacre à la Tronçonneuse, Marylin Burns, allias Sally, rejoint le panthéon des Scream Queens. Les Scream Queens ce sont ces actrices qui, dans les films d’horreur, poussent des hurlements stridents qui nous saturent les enceintes et perforent les tympans. La première Scream Queen identifiée est Fay Wray avec sa performance dans le King Kong de 1933. Celle-ci campe parfaitement l’idéal de la Scream Queen : une belle jeune femme terrorisée et à l’organe vocal aussi impressionnant que la taille de son kidnappeur. En 1978, Jamie Lee Curtis relance la mode de la « reine des cris » dans La Nuit des masques. L’expression ainsi que son rôle éponyme se popularisent dans les années 1990 avec Neve Campell et la trilogie des Screams. De nos jours, le terme Scream Queen désigne plus largement la bimbo dénudée qui se fait descendre en premier dans le film et dont la seule performance valable reste celle de ses cordes vocales. Suffit de voir Paris Hilton dans La Maison de Cire pour comprendre que les Scream Queens sont passées du statut d’actrice à celui de potiche. Heureusement, Marylin Burns tient plus de la Neve Campbell que de la Paris Hilton.

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POURRITURE

Si le pitch de Massacre à la tronçonneuse semble tout droit sorti de l’enfer, attendez de lire les conditions de tournage. Avec un budget de 140 000$, autant dire qu’Hooper était très limité dans ses dépenses et dans ses décors. C’est donc au Texas, Etat d’origine de la majorité de son équipe, qu’il décide de tourner. En plein été. La chaleur aurait été une épreuve à elle seule, mais ajoutez à cela les odeurs de putréfaction des carcasses qui décorent la ferme, un délai de tournage qui passe d’une semaine à un mois, un réalisateur hyper méticuleux poussant ses comédiens aux limites de la crise de nerf et vous obtenez une équipe de tournage plus que grincheuse. Histoire d’améliorer l’ambiance, Gunnar Hansen, allias Leatherface, en accord avec Hooper, n’enlevait jamais son masque devant les comédiens et simulait des crises de rage entre les prises, renversant et cassant tous les objets à sa portée. Inutile de préciser que les autres comédiens étaient réellement terrifiés par cet homme tant sur le tournage qu’en dehors où ils ne lui adressaient jamais la parole. Un tournage dangereux aussi puisque la tronçonneuse maniée par Leatherface est réelle – sans la lame, quand même  – et que son masque lui restreint considérablement le champ de vision. Pas très rassurant. Marylin Burns ne s’en sortira pas indemne non plus : blessée durant le tournage, le sang qui tâche ses vêtements à l’écran est le sien.
Au final, qu’on aime ou qu’on n’aime pas, Massacre à la Tronçonneuse reste un incontournable que tout cinéphile  – ou non – devrait avoir vu au moins une fois. Le hasard faisant bien les choses, le Festival OffScreen se clôturera par la projection de la version remasterisée du film culte le mercredi 25 mars, 20h, au cinéma Sauvenière.

Aurélie Winkin

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