Établie le 1er décembre 1988 par l’Organisation Mondiale de la Santé, la Journée mondiale de lutte contre le sida invite depuis 30 ans à s’unir dans la lutte contre le VIH, à manifester son soutien aux personnes séropositives et à commémorer celles et ceux qui sont décédé(e)s des suites d’une maladie liée au sida. Active sur le terrain depuis de nombreuses années, l’association Sidasol coordonne la journée liégeoise avec de nombreux partenaires, parmi lesquels la Maison Arc-en-Ciel, Barricade, PhiloCité, La Zone et, bien sûr, D’une Certaine Gaieté.
Détachée du Centre de référence SIDA de Liège, Sidasol a pour but de faire de la prévention et du dépistage du VIH (virus de l’immunodéficience humaine) et des autres IST (infections sexuellement transmissibles) auprès de publics vulnérables et hautement exposés. Ainsi, l’asbl est présente dans les endroits où il y a des rencontres entre hommes, les structures d’aide aux personnes précarisées ou aux personnes toxicomanes ; elle essaye aussi de toucher la population originaire de pays à haute prévalence, dans les cafés africains ou les centres d’accueil pour personnes migrantes. Parallèlement à ses activités de terrain, l’association forme également des professionnels ou futurs professionnels, par exemple dans les plannings familiaux, les maisons médicales ou les écoles de soins infirmiers.
Avec environ 1000 nouvelles contaminations par an au VIH en Belgique, les statistiques restent stables, mais les traitements sont désormais beaucoup plus efficaces qu’au début de la pandémie : aujourd’hui, une personne détectée séropositive bénéficiant d’un traitement peu de temps après sa contamination garde une espérance de vie quasi-identique à celle d’une personne séronégative. Non seulement, elle peut rester en bonne santé, mais le traitement, s’il est pris comme il faut, lui permet d’atteindre une charge virale indétectable, c’est-à-dire que le virus est alors tellement bas dans le sang qu’il n’est plus contagieux. Aux traitements curatifs s’ajoutent des outils de prévention, tels que le préservatif, que tout le monde connaît, mais aussi des traitements préventifs, tels que la la prophylaxie pré-exposition (PrEP) et le traitement post-exposition (TPE). Disponible en Belgique depuis juin 2017, la PrEP est destinée aux personnes séronégatives fortement exposées au VIH afin d’éviter une contamination. Le TPE, quant à lui, est un traitement d’un mois à commencer dans les 72 heures après un risque de transmission. Simon Englebert, responsable de projets et agent de terrain chez Sidasol, explique la procédure : « C’est vraiment un outil à part puisque c’est un traitement d’urgence préventif, alors que généralement, dans un service d’urgence, on fait du curatif pour des problèmes qui doivent se régler rapidement. Le TPE exige aussi une prise rapide, mais c’est de la prévention : on ne sait pas si la personne est infectée ou pas. Bien qu’il existe depuis des années, ce traitement n’est pas demandé tous les jours, et un service d’urgence, c’est une grosse équipe : quand la demande tombe sur une personne qui n’est pas du tout au courant de ce que c’est, il peut y avoir des problèmes de mauvaise compréhension qui vont jusqu’au jugement moral, voire jusqu’à la mise en danger s’il y a refus de prendre en charge la personne. Dans les plus petites villes, c’est encore plus compliqué, car certains services d’urgence ruraux n’ont pas toujours le TPE. »
Combattre les discriminations
En combinant tous ces outils, il est possible, en quelques années, de diminuer les nouveaux cas de contamination, comme cela a pu se vérifier à Londres ou à San Francisco, et les acteurs de terrain ont bon espoir d’observer bientôt des résultats encourageants en Belgique. Avec le succès des traitements, le travail des associations consiste encore et toujours à promouvoir le dépistage et les outils de prévention, mais aussi à lutter contre les discriminations liées au VIH et au sida : selon une étude menée par l’Observatoire du sida et des sexualités auprès de personnes séropositives, plus de 13% des répondants disent avoir connu un ou des refus de soins à cause de leur séropositivité, près de 16% ont eu un accès compliqué à des biens ou des services (assurances, mutuelles, crédits…), 7% ont eu des difficultés dans leur vie professionnelle suite à l’annonce de leur statut sérologique (licenciement, refus d’embauche ou de formation…), et un quart du panel dit avoir vécu une rupture amoureuse à cause de sa séropositivité. La lutte contre la sérophobie (discriminations à l‘égard des personnes séropositives) est donc plus nécessaire que jamais et doit aujourd’hui aller de pair avec la lutte contre le sida : bien qu’une personne séropositive reste en bonne santé et n’est plus contagieuse si elle répond bien à son traitement, le sujet est toujours aussi tabou et difficile à aborder, même avec son entourage proche, et à plus forte raison dans le cadre d’une relation amoureuse. En outre, « même si l’on n’en meurt plus, c’est quand même un traitement à vie ! Quand on part en vacances, on ne doit pas oublier ses cachets, il y a certains pays dans lesquels on ne peut pas rentrer… Psychologiquement, ça reste lourd », poursuit Simon, « mais continuer à nourrir de la peur en pensant que ça va inciter les gens à se protéger, je n’y crois pas trop, car la peur, ce n’est pas très intéressant dans les messages de santé publique. La stratégie à adopter, c’est plutôt la prévention combinée, à savoir proposer aux gens tous ces outils qu’on a maintenant : TPE, PrEP, capote interne et externe, dépistage rapide, au labo ou salivaire. Je pense que c’est la bonne méthode parce qu’elle en train de payer, comme on l’a vu dans certains endroits ».
La prévention et la lutte contre la sérophobie passent aussi par une meilleure connaissance des comportements à risque. Concernant le VIH, il est important de savoir que le virus, contrairement à d’autres, est très fragile puisqu’il meurt à l’air et au contact de la salive. La contamination se fait uniquement lors de pénétrations non protégées – anales ou vaginales – et lors d’une fellation active, même si le risque est alors diminué par la présence d’air et de salive dans la bouche. On n’attrape donc pas le VIH en buvant dans le même verre, ni en s’embrassant à pleine bouche, ni même en ayant des rapports sexuels protégés, en revanche, il y a risque de contamination par échange de seringues. Le risque de transmission du virus de la mère à l’enfant est, quant à lui, quasiment éradiqué en Belgique : le VIH étant dépisté systématiquement lors des tests de grossesse par prise de sang, la mère est rapidement mise sous traitement pour empêcher une contamination in utero. Bien que les risques soient faibles, l’allaitement reste cependant déconseillé par principe de précaution. Le risque de contamination suite à une transfusion sanguine a été lui aussi éradiqué grâce aux contrôles systématiques. Cela pose néanmoins la question de la discrimination par rapport aux homosexuels qui ne peuvent donner leur sang qu’au bout d’un an d’abstinence sexuelle. Selon Simon Englebert, « c’est un peu exagéré, car la plupart des IST peuvent être détectées après 6 semaines, donc je pense qu’on pourrait vraiment raccourcir le délai d’un an à 3 mois, par exemple. Ils veulent prendre leurs précautions parce que c’est vrai que c’est un public qui a beaucoup plus d’IST, mais je pense qu’ils pourraient affiner leurs questionnaires en fonction des pratiques et non d’une appartenance à une communauté pour qu’ils soient moins discriminants ».
Célébrer la vie
La Journée mondiale de lutte contre le sida est l’occasion de manifester son soutien aux 33,2 millions de personnes vivant avec le VIH dans le monde (chiffres ONUSIDA, 2007), notamment en arborant le célèbre ruban rouge. Créé en 1991 par un collectif d’artistes dans une galerie new-yorkaise, il fit sa première sortie médiatique sur le costume de l’acteur Jeremy Irons aux Tony Awards 1991. L’année suivante, il sera plus largement popularisé lors du concert en hommage à Freddie Mercury au stade de Wembley, à Londres, où plus de cent-mille rubans rouges seront distribués au public. Il est depuis devenu l’un des symboles forts de la lutte contre le sida et sera distribué, comme chaque année, à la Gare des Guillemins le vendredi 30 novembre.
Et parce qu’une seule journée de lutte et de sensibilisation n’est pas suffisante, ce sont plusieurs jours de lectures, de conférences et de festivités qui vous attendent à Liège, du 28 novembre au 9 décembre, pour échanger, vous informer et célébrer la vie à travers, notamment, le désormais traditionnel cabaret caritatif qui se tiendra le 1er décembre en l’église Saint-Antoine-et-Sainte-Catherine, suivi d’une grande soirée dansante au KulturA. Signalons également, le mardi 4 décembre à La Zone, deux films célébrant la créativité, avec « Paris is Burning », le documentaire-culte de Jennie Livingston qui se penche sur la ball culture new-yorkaise et ses soirées organisées par les communautés LGBT afro-américaines et hispaniques dans les années ‘80. En ouverture, nous accueillerons la première belge du court-métrage « Positive » de Andy Wiseman, portrait de l’artiste/performeur Oli Spleen, dont la séropositivité – bien qu’elle fasse indéniablement partie de son histoire – n’est pas toute l’histoire… Filmé en marge de l’enregistrement de son prochain album, « Positive » nous rappelle que nous sommes plus grands que la somme de nos parties et que de nos blessures peuvent naître et s’exprimer de nouvelles facettes de nous-même. Ou, comme le chante Oli Spleen, life is what we make it, I’ll contribute my verse and extract inspiration from all things I can’t reverse (la vie est ce que nous en faisons, j’y apporterai mon couplet et m’inspirerai des choses que je ne peux changer)…
(le programme complet des événements est par ici)