
Qui suis-je, moi, pour dicter à ton œil ce qui doit capter son attention
ou ce qui doit lui échapper et rester dans l’ombre?
Qui suis-je pour décider de ce qui doit te saisir à la gorge, te retourner les tripes,
t’émouvoir ou te laisser de marbre?
As-tu vu le sang sur la main coupée ?
As-tu vu le catcheur albinos parmi les autres lutteurs ?
As-tu vu le faon au milieu de la mêlée ?
As-tu vu les mortes et les vivantes, les plumes de tous bords, les coiffes de toutes sortes ?
As-tu vu le monarque renversé ?
L’important n’est pas que mes nuits soient écourtées à l’idée que la tête en pierre d’un roi,
roulant sur le sol, suscite plus d’émoi que celle d’un homme mourant dans une rigole.
Pourquoi perdrais-je encore salive et énergie à essayer de convaincre ceux et celles qui nous résument, nous, êtres humains de couleurs, à des nuisibles ?
Quoi que je dise, je resterai, de toute façon, pour ces personnes, du côté de la sauvagerie.
Alors, je ne dis plus rien. Je colle.
Je pense à mes enfants et je colle.
Je colle rouge.
Rouge comme ta délicieuse curiosité.
Rouge comme la complexité du monde.
Rouge comme la braise collective.
Rouge comme ton besoin de comprendre, de créer des liens, de donner du sens.
Rouge comme ton envie d’aller voir plus loin que le rouge.