Souvent avant d’écrire un texte je pars d’un mot. Souvent j’apprécie de chercher quelques citations liées à celui-ci en guise de mise en jambe, d’échauffement… Aujourd’hui, mon mot est martyr (şehîd en kurde). Le terme vient du grec martus qui signifie témoin. Je viens donc de lire quelques ‘bons mots’ d’auteurs parfois célèbres, que je connais, dans certains cas, et apprécie. Je dois avouer avoir sursauté quelques fois en lisant qu’on associait parfois la notion de martyr à la bêtise, au manque de talent et à l’envie de devenir célèbre.
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Il s’appelait Ekrem Istek. Je ne saurais dire quel était son QI, son talent ni ses envies de célébrité. Je peux vous dire qu’il avait 50 ans et était le père de deux enfants. Il avait rejoint le Rojava pour défendre Kobané des attaques de Daesh en 2014, après avoir passé dix ans dans les prisons turques. Un de ses fils est actuellement toujours derrière les barreaux du régime d’Erdogan. L’implication tenace d’Ekrem Istek dans le gigantesque chantier de la reconstruction de la ville (notamment sur les aspects énergétiques) lui a valu la reconnaissance et le respect de ses pairs.
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Le 11 mai dernier un drone turc l’a froidement (quoi de plus froid qu’un drone) et intentionnellement (il était visé personnellement) assassiné dans les rues de cette emblématique ville de la résistance kurde. Il faut bien prendre conscience de ce que cela signifie. Cela signifie que l’état turc décide sciemment de liquider des citoyens de son propre pays ayant choisi de le quitter, pour fuir la répression et défendre la construction d’un autre type de société. J’ai eu l’honneur d’assister à l’enterrement d’Ekrem Istek, dans le cimetière des martyrs de Dêrik, ville du nord-est de la Syrie, la plus proche de sa région natale (située de l’autre côté de la frontière). Aux cris de şehîd namirin (« les martyrs ne meurent pas ») des centaines de personnes ont accompagné sa dépouille, prononcé des discours et, de leurs mains, recouvert son cercueil de terre. Il repose désormais aux côtés d’autres camarades (hêval) kurdes mais aussi arabes, yézidis, alévis, circassiens qui comme lui ont payé de leur vie leur idéal de liberté.
- « Il y a sept ans, la libération de Kobanê », ROJinfo : https://rojinfo.com/il-y-a-sept-ans-la-liberation-de- kobane/
2 réponses
Et bien impressionnant et remuant. Une révolution qui gagne décidemment à être connue et défendue. Merci à Diego et merci à l’Entonnoir pour cette lecture inspirante. Vivemment la suite…
Merci à vous, n’hésitez pas à partager l’article (comme disent les jeunes) en attendant la deuxième chronique qui arrivera bientôt