À l’occasion du Forum Social Mondial, notre journaliste sur place, Marta Luceño Moreno, nous livre quotidiennement son journal de bord. Troisième épisode : Lutte et éthique.
Pour se rendre d’un atelier à un autre, les 50.000 participants se baladent un peu partout dans le campus. C’est dans ces moments que les organisations en profitent pour dénoncer les injustices. Au fur et à mesure que le Forum avance, ces manifestants font appel à des méthodes toujours plus choquantes afin d’attirer l’attention du public. Quand les tracts ne suffisent plus pour faire entendre leur voix, de nouvelles stratégies se développent : des funérailles simulées, des bleus de travail numérotés pour dénoncer les tortures, des enfants banderoles ou même des personnes massacrées… Tout est permis dans la dénonciation ?
Des affiches, des tracts et des photos inondent les ruelles de l’Université d’El-Manar. Mais face à cette énorme masse d’information les groupes réunis lors du Forum cherchent des moyens supplémentaires pour faire connaître leurs revendications auprès des participants. Ce matin (mercredi 28 mars ndlr) les activistes palestiniens ont reproduit des funérailles devant le regard stupéfait des participants du forum : la mise en scène consistait en un groupe de gens que portaient en haut une personnes enrobée dans un drapeau national avec son visage caché par un foulard, comme si elle était décédée, en criant à gorge déployée les horreurs vécues sur place. Un peu plus tard dans la journée des activistes tunisiens ont placé des robes de travail par terre numérotées pour dénoncer les tortures.
Des activistes palestiniens, très présents dans ce forum, ont placé un drapeau israélien par terre pour que les participants puissent écrire ce qu’ils souhaitent. Evidement il ne s’agissait pas des messages « peace and love » mais plutôt des appels au boycott et parfois aussi des messages assez violents. Encore un autre exemple, celui des participants marocains pour » un Sahara marocain » qui ont mis dans leur tente des photos de personnes agressées en 2010 (la manipulation de ces images a été sans doute un thème de conversation récurrent entre les participants qui ont suivi un peu l’affaire). De même, l’usage des enfants banderoles pour dénoncer la situation très grave des réfugiés du camps de Choucha en Tunisie a aussi été un sujet de discussion actif.
Ce sont sans doute les scènes les plus choquantes, mais d’autres participants ont aussi eu recours à des moyens plus attirants qu’un simple tract. Les mini-manifestations de dénonciation se sont déployées un peu partout, comme celle des familiers des immigrants retenus à Lampedusa ou des Saharaouis qui demandaient l’autodétermination pour leur pays.
Deux derniers exemples pour finir, celui des graffeurs de la plateforme Zwewla qui ont inondé le site de l’Université de graffitis dans le but de protester contre l’arrestation de deux des activistes pour avoir peint des murs. Ils risquent 5 ans de prison.
Enfin, la pancarte incroyable posée dans une tente : un collage de photos de Ché Guevara, Hugo Chavez, Gandhi ou Mandela les uns à côtés des autres et mélangés avec des personnages comme Bassar Al-Assad, avec un titre au milieu qui dit : « Résistance globale » !
En tout cas, la communication et les méthodes utilisées pour attirer l’attention des participants ainsi que des médias reste un sujet peu touché lors de ce forum. Idem pour la question de la marchandisation de la résistance (des collants, des badges, des t-shirts) en vente dans chaque coin du forum. Pourtant, cela mérite de la réflexion plus profonde et plus critique envers le propre forum, les participants et le public.