De quoi nos ancêtres pouvaient-ils donc bien avoir peur ? Sans doute, comme nous, de tout et de rien, mais peut-être n’étaient-ils pas toujours prêts de l’avouer. On peut pointer un glissement progressif du paradigme de la peur. Grosso modo, l’homme a d’abord eu peur de la nature et des forces cosmiques/ démoniaques/ divines. Il a ensuite eu peur de lui-même et de son semblable, de sa violence déchaînée, de ses guerres, avant que la psychiatrie puis la psychanalyse ne le persuade que son moi n’était qu’un cloaque de pulsions monstrueuses – alors qu’il s’imaginait bon sauvage, au moins depuis Rousseau, mais ce n’est jamais que la figure inversée de la horde sauvage. Plus récemment, il s’est mis à craindre les prothèses qu’il s’est crées, sa technique, le fruit de son travail et de son imagination, cela même qui a réussi à domestiquer les forces de la nature et la peur qu’elle inspirait autrefois.